La conclusion d’un contrat stratégique entre la République tchèque et la société sud-coréenne Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP) pour la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires à Dukovany a été suspendue à la suite d’une décision du tribunal régional de Brno. Cette mesure conservatoire intervient après une action intentée par Électricité de France (EDF), évincée lors du processus de sélection.
Le groupe français avait déjà saisi l’Autorité de la concurrence, sans succès, avant de porter l’affaire en justice afin d’obtenir un réexamen du processus de sélection. Le tribunal a justifié l’interdiction temporaire de signature par la nécessité de préserver les chances d’EDF de participer à un éventuel nouvel appel d’offres en cas de décision judiciaire favorable. Le Premier ministre tchèque Petr Fiala a reconnu sur le réseau X la décision du tribunal, en réaffirmant sa confiance dans la régularité de la procédure menée par l’État.
EDF conteste la transparence du processus d’attribution
Dans une déclaration transmise à AFP le 6 mai, EDF a salué la décision de justice qui, selon le groupe, « fournit le temps nécessaire pour évaluer de manière approfondie toute violation potentielle de ses droits ». L’entreprise publique française a également confirmé sa volonté de poursuivre ses démarches juridiques, sans divulguer les détails chiffrés de son offre initiale.
La société Korea Hydro & Nuclear Power avait été sélectionnée à l’été 2024 pour construire deux unités supplémentaires sur le site de Dukovany, avec un coût estimé à 200 milliards de couronnes tchèques (environ $8.61bn) par unité. Le chantier devait débuter en 2029, avec une mise en service prévue pour 2036.
Réactions des autres parties impliquées
Le groupe énergétique tchèque ČEZ, majoritairement contrôlé par l’État et opérateur des sites de Temelín et Dukovany, a défendu le choix de KHNP. L’entreprise a assuré que le processus d’appel d’offres s’était déroulé de manière « pleinement transparente à chacune des étapes », tout en appelant EDF à publier les éléments de sa candidature pour lever toute ambiguïté.
Outre EDF, la société américaine Westinghouse avait également contesté la sélection du fournisseur sud-coréen, l’accusant d’utiliser certaines de ses technologies sans autorisation. Ce recours a toutefois été abandonné après rejet par les autorités compétentes. EDF, de son côté, affirme avoir proposé une répartition plus favorable au tissu industriel local, promettant d’attribuer 60% des travaux à des entreprises tchèques.
Vers une reconfiguration du mix énergétique tchèque
La République tchèque produit actuellement environ 40% de son électricité grâce au nucléaire. Avec les deux nouvelles unités de Dukovany et le déploiement envisagé de petits réacteurs modulaires d’ici à 2050, cette part pourrait atteindre 50%. Ce changement stratégique intervient alors que le pays a fortement réduit sa dépendance au charbon et s’est affranchi des hydrocarbures russes depuis le début de la guerre en Ukraine.