L’empreinte climatique de l’industrie sidérurgique pourrait être significativement sous-estimée en raison de méthane non comptabilisé provenant des mines de charbon métallurgique en Australie. D’après une nouvelle analyse, ces émissions invisibles pourraient augmenter de 6 à 15 % l’impact carbone de groupes tels qu’ArcelorMittal, Nippon Steel ou POSCO, en raison de l’absence de transparence sur l’origine et l’intensité des émissions dans leurs approvisionnements.
L’Australie fournit plus de la moitié du charbon à coke mondial, matière première clé pour la fabrication d’acier. En 2024, ses mines ont rejeté environ 867 kilotonnes de méthane, soit davantage que l’ensemble du secteur pétrolier et gazier australien. Ces émissions sont en grande partie issues de gisements dits « super-émetteurs », dont les intensités varient de 3 à 5 tonnes de méthane par kilotonne de charbon extrait.
Une chaîne d’approvisionnement opaque pour les aciéristes
Une étude de cas sur la mine de Hail Creek, considérée comme l’une des plus émissives du pays, révèle que 4,3 millions de tonnes de charbon y ont été extraites pour alimenter des aciéries d’ArcelorMittal, Nippon Steel et POSCO entre 2023 et 2024. Officiellement, cela représenterait 12,9 kilotonnes de méthane. Toutefois, les estimations indépendantes suggèrent des niveaux réels plus de trois fois supérieurs.
Les producteurs d’acier, engagés dans des trajectoires de réduction de leurs émissions, pourraient ainsi voir leurs efforts compromis en amont, faute de mesures directes sur les sites miniers. Huit des dix mines australiennes les plus émissives produisent du charbon métallurgique, tout en ne représentant que 3 % de la production nationale. Leur part dans les émissions déclarées dépasse pourtant les 20 %, indiquant un écart probable avec la réalité.
Technologies disponibles et urgence de la réduction
La réduction de ces émissions est techniquement accessible : plus de la moitié du méthane rejeté pourrait être évitée grâce à des technologies existantes et abordables. L’intégration de mesures sur site, de mécanismes de déclaration rigoureuse et d’atténuation constitue une étape immédiate pour les industriels.
Les fournisseurs de charbon sont ainsi de plus en plus considérés comme des maillons critiques dans les plans de transition des aciéristes. L’absence de normes contraignantes en matière de surveillance du méthane pourrait représenter un risque opérationnel et stratégique, en particulier à l’approche des échéances de neutralité carbone fixées à l’horizon 2050.
Une pression croissante sur les exportations australiennes
Cette situation place également l’Australie face à une pression croissante sur ses exportations, notamment dans un contexte où les acheteurs internationaux exigent davantage de transparence environnementale. Les marchés asiatiques, principaux clients du charbon australien, pourraient être exposés à un risque d’alignement réglementaire plus strict dans les années à venir.
Lisette van Niekerk, consultante pour l’Observatoire international des émissions de méthane du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), a rappelé que « l’impact climatique de l’acier commence à la mine », insistant sur la nécessité d’un suivi rigoureux pour éviter que les stratégies de décarbonation ne soient fragilisées par des émissions invisibles.