Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) de l’Union Européenne, conçu pour imposer une taxe carbone aux importations dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre, est au cœur des discussions concernant son impact potentiel sur le marché asiatique des crédits carbone volontaires et les prix des produits exportés. Lors de l’Asia Climate Summit tenu à New Delhi le 24 octobre, des experts ont exprimé leurs points de vue sur l’influence attendue du CBAM sur ces deux aspects.
Le CBAM vise à taxer les produits importés selon leurs émissions carbone associées, appliquant une taxe à l’entrée en fonction de l’intensité carbone des produits. Cependant, les crédits carbone volontaires, utilisés principalement par les entreprises pour compenser volontairement leurs émissions, ne sont pas admissibles pour se conformer aux exigences du CBAM. Alfredo Nicastro, vice-président senior chez StoneX Carbon Solutions, a précisé que le CBAM ne stimulera pas la demande de crédits carbone volontaires, ces derniers étant exclus des critères de conformité pour les taxes carbone européennes. Selon lui, « les crédits VCM (Voluntary Carbon Market) ne peuvent pas être utilisés pour satisfaire aux exigences fiscales du CBAM, ce qui signifie qu’il n’y aura ni augmentation de la demande ni hausse des prix sur le marché volontaire en raison du CBAM. »
Un Nouveau Type de Certificat pour la Conformité
Pour répondre aux exigences du CBAM, un certificat spécifique, désigné comme « unité de certificat CBAM », pourrait être nécessaire pour les entreprises cherchant à se conformer. Ce certificat permettrait de vérifier que les produits importés en Europe satisfont aux normes de réduction carbone. Renato Roldao, membre de la Commission européenne pour le prix du carbone international et la diplomatie de marché, a souligné qu’il est possible que certains crédits carbone de conformité, acceptés dans d’autres pays pour les taxes carbone, deviennent éligibles pour le CBAM grâce à des accords internationaux.
Impacts Modérés sur les Prix des Produits en Asie
Les panélistes s’accordent à dire que l’impact du CBAM sur les prix des produits finis asiatiques sera minime. Hew Slater, spécialiste de l’énergie et du climat chez ClientEarth à Pékin, a affirmé que moins de 2 % des exportations chinoises vers l’UE seront concernées par le CBAM, touchant principalement des industries comme l’acier, les métaux pour batteries, le ciment et l’aluminium. Selon Roldao, le CBAM se concentrera sur des importations spécifiques telles que le ciment, le fer et l’acier, l’aluminium, les engrais, l’électricité et l’hydrogène, avec une évaluation des émissions de carbone inclues au niveau du produit.
Nicastro a ajouté que si le CBAM pourrait légèrement influencer les prix des matières premières importées en Europe, les coûts seront en fin de compte supportés par les acheteurs finaux en Europe. Ce transfert des coûts sur les acheteurs européens minimise ainsi l’impact sur les prix en Asie, maintenant une certaine stabilité pour les producteurs asiatiques. Roldao a expliqué que « l’effet sur le prix sera surtout ressenti au niveau des produits en Europe, et non en Asie ».
Extension du CBAM à d’autres Secteurs
Le CBAM est également prévu pour inclure des secteurs supplémentaires couverts par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE, notamment le transport maritime, où les coûts de compensation des émissions devraient également être transférés aux acheteurs européens. Selon Nicastro, ce modèle permet à l’Europe de renforcer ses objectifs climatiques sans désavantager les exportateurs asiatiques, qui bénéficient de cette approche en évitant un impact direct sur leurs prix domestiques.
En somme, bien que le CBAM soit perçu comme un levier de contrôle des émissions à l’importation pour l’Europe, il semble peu susceptible de perturber le marché des crédits carbone volontaires en Asie ni d’augmenter significativement les coûts pour les producteurs asiatiques, en raison de la structure de répercussion des coûts sur les acheteurs européens. Cependant, l’introduction de certificats spécifiques pour le CBAM pourrait initier une nouvelle dynamique de conformité dans les échanges commerciaux entre l’UE et ses partenaires internationaux.