L’industrie du captage, de l’utilisation et du stockage du dioxyde de carbone (CCUS) aux États-Unis évolue dans un cadre réglementaire incertain. Selon le Bureau du budget au Congrès (CBO), seuls 15 sites étaient opérationnels fin 2023, traitant moins de 0,5 % des émissions nationales. Pourtant, 275 projets ont été annoncés, illustrant les ambitions du secteur, largement dépendant des incitations fiscales mises en place sous l’administration de l’ancien président Joe Biden.
Un modèle économique fragile
Le dispositif phare de l’Inflation Reduction Act (IRA) de 2022 prévoit un crédit d’impôt allant jusqu’à 85 dollars par tonne de CO2 captée, une mesure considérée comme essentielle par les industriels. “Sans ces crédits d’impôt, quasiment tous les projets en cours seraient condamnés”, affirme Jessie Stolark, directeur de l’association Carbon Capture Coalition. Toutefois, l’absence d’un marché fédéral des crédits carbone et d’une obligation nationale de compensation limite les débouchés pour le CO2 capté. Seuls la Californie et un groupe de 11 États du Nord-Est imposent une telle compensation.
Un repositionnement stratégique
Avec le retour de Donald Trump à la présidence, le secteur du CCUS adapte son message. Le gouvernement a déjà annulé plusieurs engagements de réduction des émissions pris par l’administration précédente, rendant incertaine la pérennité des aides fiscales. En réponse, la Carbon Capture Coalition met désormais l’accent sur “la compétitivité économique et le leadership américain”, selon Stolark.
Les partisans du captage soulignent que les États-Unis disposent d’atouts majeurs : de vastes terrains favorables au stockage et un réseau de gazoducs dédié au CO2 de plus de 8 000 kilomètres. Construit initialement pour la récupération assistée du pétrole (EOR), ce réseau permet d’optimiser l’extraction des hydrocarbures.
Un soutien du secteur pétrolier
Lors de la conférence CERAWeek à Houston, Vicki Hollub, directrice générale d’Occidental Petroleum, a mis en avant l’intérêt du CO2 pour améliorer le rendement des gisements pétroliers. Selon elle, cette technologie permet d’extraire 75 % du pétrole d’un champ contre 50 % auparavant. Hollub plaide pour un maintien des incitations fiscales, tout en demandant un rééquilibrage : actuellement, les projets de réutilisation du CO2 bénéficient de crédits d’impôt inférieurs à ceux du stockage.
L’argument pourrait trouver un écho favorable au sein de l’administration Trump, qui soutient une augmentation de la production pétrolière afin de réduire les coûts de l’énergie. “Un nombre croissant de parlementaires prennent parti pour le captage, conscients que nous avons vraiment besoin de dioxyde de carbone pour extraire davantage de pétrole aux États-Unis”, affirme Hollub.
Des tensions avec les organisations environnementales
Si cette nouvelle orientation stratégique vise à garantir le soutien du gouvernement, elle suscite des critiques. Plusieurs organisations environnementales, dont Environmental Health Network et Bold Alliance, dénoncent l’utilisation du CO2 pour récupérer du pétrole, estimant que cette pratique compromet l’efficacité du CCUS en matière de réduction des émissions.
Dans un rapport publié en août, ces groupes évoquent une “fausse promesse”, remettant en cause l’impact réel du captage sur le climat. Cette opposition pourrait alimenter les débats autour de la politique énergétique de l’administration Trump et la viabilité économique du secteur.