Le blackout survenu en Espagne et au Portugal le 28 avril a été provoqué par un phénomène de surtensions en cascade, jamais observé jusqu’ici en Europe, selon les conclusions préliminaires du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ENTSO-E). L’événement a paralysé l’ensemble de la péninsule Ibérique, affectant le courant électrique, les services internet et les réseaux de téléphonie mobile pendant plusieurs heures.
Cette interruption d’une ampleur exceptionnelle a été qualifiée de plus grave que toute autre panne survenue en Europe au cours des vingt dernières années. Le président du conseil de l’ENTSO-E, Damian Cortinas, a indiqué que le type de surtension rencontré représentait une première, non seulement sur le continent, mais probablement à l’échelle mondiale. Le rapport d’étape, élaboré par un panel de 45 experts techniques, ne fournit pas encore les causes profondes de l’incident, celles-ci devant être présentées dans un rapport final attendu au premier trimestre 2026.
Une montée de tension amplifiée par les mesures de stabilisation
Dans les 30 minutes précédant le blackout, deux épisodes critiques de fluctuations de fréquence, de puissance et de tension ont été enregistrés. Ces anomalies ont affecté principalement les réseaux espagnol et portugais. Les gestionnaires de réseau ont tenté de stabiliser le système en réduisant les exportations d’électricité vers la France, ce qui a temporairement atténué les fluctuations, mais a simultanément provoqué une augmentation de la tension sur le réseau ibérique.
Cette hausse a entraîné des pertes de production dans plusieurs installations renouvelables, notamment des parcs éoliens et solaires. Ces baisses ont été suivies de déconnexions en chaîne de centres de production, sans que des ressources de substitution soient activées en temps utile. Cette séquence a favorisé une propagation rapide des surtensions à travers l’ensemble du système.
Données incomplètes et responsabilités contestées
La compréhension complète de l’incident reste partielle. Le vice-président du groupe d’experts, Klaus Kaschnitz, a précisé que certains tiers n’ont pas autorisé la transmission de données techniques essentielles au gestionnaire de réseau espagnol. Cette absence de coopération a freiné l’analyse des origines exactes du blackout.
Des désaccords subsistent également sur les responsabilités. La ministre espagnole de la Transition écologique, Sara Aagesen, a affirmé que le réseau ne disposait pas ce jour-là d’un système de contrôle de tension suffisant. De son côté, la présidente de Red Eléctrica de España (REE), Beatriz Corredor, a désigné des producteurs d’énergie conventionnelle – nucléaire, hydraulique ou à gaz – dont les seuils de protection auraient été configurés de manière trop restrictive.
Un enchaînement technique complexe plutôt qu’une faille unique
Selon les conclusions intermédiaires, l’origine du blackout ne résulte pas d’une dépendance excessive aux énergies renouvelables. Le centre de réflexion Ember, associé à l’analyse, indique que la défaillance est issue d’un enchaînement de perturbations techniques amplifiées par plusieurs mécanismes de protection qui n’ont pas fonctionné comme prévu. Le rapport ne désigne aucune technologie comme facteur déclencheur unique.
Le rapport final attendu en 2026 devra permettre d’identifier les leviers techniques et organisationnels nécessaires à la prévention de futurs incidents de même nature au sein du réseau électrique européen.