Les principaux acteurs du négoce pétrolier, Gunvor, Trafigura et Vitol, estiment que les prix du pétrole vont continuer à baisser au cours des prochains mois, avec un Brent susceptible de descendre sous les 60 $ le baril. Réunis lors d’un forum énergétique à Londres, les dirigeants des trois sociétés ont évoqué un contexte de marché où le risque géopolitique, qui avait soutenu les cours cette année, tend à s’effacer.
Ben Luckock, co-responsable du pétrole chez Trafigura, a indiqué que le Brent pourrait tomber dans la fourchette des 50 $ d’ici la fin de l’année, avant de remonter progressivement autour de 65 $ dans la seconde moitié de l’année prochaine. Ce scénario s’appuie sur une dynamique habituelle de reprise après un cycle de prix bas.
Les signaux d’un marché moins tendu
Le directeur général de Vitol, Russel Hardy, et le président de Gunvor, Torbjörn Törnqvist, ont partagé une prévision de prix stabilisés entre 62 $ et 64 $ à la même période l’année prochaine. Malgré les craintes persistantes d’un marché excédentaire, la structure en backwardation – prix à terme inférieurs aux prix au comptant – montre une demande immédiate encore solide.
D’après les évaluations récentes, le Brent daté est passé de plus de 80 $ en début d’année à environ 64,23 $ au 13 octobre. Cette baisse s’explique par une diminution de l’effet de « prime de risque » liée aux conflits en Europe et au Moyen-Orient, combinée à des niveaux de stocks historiquement faibles dans les économies développées.
Le rôle de la Chine et des exportateurs marginaux
La Chine fait exception, selon Luckock, avec des achats soutenus pour remplir sa réserve stratégique de pétrole. Il a évoqué un volume possible de 100 millions de barils, bien que les chiffres exacts restent inconnus. Hardy a précisé que les excédents de pétrole disponibles ont majoritairement été absorbés par la Chine ou restent sous forme de cargaisons flottantes en provenance d’Iran et du Venezuela.
La demande de produits raffinés est restée forte, soutenant les marges de raffinage. Toutefois, la consommation d’essence et de diesel en Chine a atteint un plafond, selon Törnqvist, en raison de l’électrification croissante du parc automobile. La demande pour les produits pétrochimiques progresse, mais s’oriente davantage vers des condensats légers comme l’éthane.
Pression sur les prix avec le retour de l’offre
Les volumes supplémentaires mis sur le marché au second semestre, notamment depuis les pays non-membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) comme le Guyana, la Norvège et le Brésil, viennent renforcer cette tendance baissière. Hardy a rappelé que l’alliance OPEP+ a annoncé plusieurs hausses de production depuis le mois d’avril.
Luckock a indiqué que les acteurs du marché s’attendaient depuis un an à cette situation de surplus. « Elle est pratiquement là maintenant », a-t-il déclaré, ajoutant que le marché avait déjà enregistré une baisse d’environ 10 $ cette année. Törnqvist a ajouté que les conditions de marché devenaient « plus souples ».
Un risque géopolitique en repli mais toujours présent
Hardy a souligné que la « prime de risque » géopolitique intégrée dans les prix depuis le début de l’année était en train de s’estomper. Il a estimé que le marché était désormais « mieux préparé pour absorber les chocs ». La récente trêve au Proche-Orient, avec l’échange de prisonniers et la libération d’otages, a contribué à atténuer la tension sur les marchés.
Toutefois, le conflit en Ukraine continue de perturber l’infrastructure énergétique russe. Luckock a indiqué qu’environ 20 % des capacités de raffinage en Russie étaient touchées par les frappes de drones ukrainiens. Hardy a prévenu que les risques liés à l’Iran, au Venezuela ou à la Russie restaient élevés, ajoutant que le marché « sous-estimait probablement » les risques liés à ces producteurs majeurs.
Luckock a conclu en soulignant que la prime de risque actuelle est « aussi basse qu’elle peut raisonnablement l’être ».