L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) accélère le développement de son réseau électrique régional avec l’ASEAN Power Grid (APG), une initiative lancée en 1999 visant à interconnecter les systèmes électriques nationaux de ses membres. Face à une demande en électricité en croissance rapide, l’APG cherche à renforcer la sécurité énergétique du bloc et à faciliter la distribution transfrontalière de l’électricité. Entre 2016 et 2022, plus de 38 000 GWh ont déjà été échangés entre pays membres via des interconnexions existantes.
Un potentiel commercial confirmé mais une coordination fragile
Des projets comme le Power Integration Project reliant le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et Singapour ont démontré la viabilité du commerce multilatéral d’électricité. D’autres initiatives émergent, notamment une collaboration entre le Brunei, l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines, ainsi que des accords bilatéraux tels que l’exportation d’électricité renouvelable de la Malaisie vers Singapour. Toutefois, ces avancées mettent en lumière des défis persistants liés à la fragmentation réglementaire, aux divergences institutionnelles et aux sensibilités liées à la souveraineté.
La coopération entre institutions pour structurer l’agenda régional
Le renouvellement du Plan d’action énergétique 2026-2030 de l’ASEAN et de son protocole d’accord renforcé marque un tournant pour le projet. Le Centre de l’énergie de l’ASEAN (ASEAN Centre for Energy – ACE) travaille en étroite collaboration avec l’Agence internationale de l’énergie (International Energy Agency – IEA) pour harmoniser les priorités nationales avec les objectifs régionaux. L’ouverture du Centre de coopération régionale de l’IEA à Singapour vise à ancrer cette dynamique.
Les acteurs multilatéraux et les banques de développement contribuent également en fournissant expertise et ressources. Le rôle technique de l’ACE et sa capacité à formuler des recommandations politiques sont considérés comme centraux dans la mise en œuvre opérationnelle du réseau.
Verrous institutionnels et nécessité d’un secrétariat dédié
Malgré les progrès, la gouvernance du projet reste morcelée. Plusieurs organismes interviennent sans mécanisme centralisé de coordination. L’absence d’une entité unique de régulation nuit à l’efficacité des processus. Des structures telles que le ASEAN Power Grid Consultative Committee ou le ASEAN Energy Regulatory Network manquent de ressources et de mandat exécutif.
La mise en place d’un secrétariat APG permanent est évoquée comme solution pour assurer une continuité institutionnelle et renforcer la coordination inter-agences. Des expériences de marchés interconnectés, comme en Europe ou en Afrique australe, montrent que des structures solides peuvent soutenir le commerce transfrontalier d’électricité.
Les investissements comme condition du déploiement régional
Les systèmes électriques des pays de l’ASEAN sont généralement sous contrôle d’opérateurs publics en situation de monopole intégré, avec peu de marge de manœuvre financière pour investir dans des infrastructures transfrontalières. Les modèles économiques actuels freinent l’implication du secteur privé, confronté à des incertitudes juridiques et à des risques élevés de financement.
Le coût du capital pour les projets d’énergie dans la région reste supérieur à celui observé dans les économies avancées, complexifiant l’accès au financement. Pour y remédier, les gouvernements étudient des mécanismes innovants comme le financement mixte et les partenariats public-privé. Le lancement de l’APG Financial Initiative marque une avancée en vue de la mobilisation des capitaux nécessaires à la réalisation du réseau d’ici 2045.