L’Agence fédérale de l’environnement allemande (Umweltbundesamt, UBA) a suspendu l’attribution de certificats d’émissions réduites pour huit projets chinois de compensation carbone après la découverte de graves « irrégularités ». Ces projets, conçus pour réduire les émissions de CO2 des entreprises européennes en finançant des initiatives à l’étranger, n’ont pas satisfait aux exigences de transparence et de vérification. Certains projets, impliquant des entreprises pétrolières, n’ont jamais été réalisés, tandis que d’autres ont exagéré les résultats obtenus. Ces irrégularités ont conduit à une suspension immédiate des certificats pour sept projets présentant des « incohérences juridiques et techniques », ainsi que pour un huitième projet pour non-respect des règles de validation.
L’UBA a élargi ses investigations à 40 des 69 projets de réduction d’émissions en Chine. Vingt et un de ces projets sont sous une forte suspicion de fraude, amenant l’UBA à solliciter l’aide d’un cabinet d’avocats international pour déterminer l’étendue des manipulations. En collaboration avec le parquet de Berlin, l’UBA cherche à clarifier les responsabilités et les implications potentielles de ces irrégularités, qui pourraient gravement affecter la validité des crédits carbone utilisés sur le marché européen.
Mécanismes de compensation et défaillances de vérification
Les crédits carbone, tels que définis par les Unités de Réduction des Émissions (UER) du Protocole de Kyoto, permettent aux entreprises de compenser leurs émissions de CO2 en finançant des projets à l’étranger. Ces crédits doivent représenter des réductions réelles et vérifiables des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les événements récents en Allemagne ont mis en lumière des failles importantes dans les processus de validation de ces crédits, en particulier lorsque les audits sont réalisés par des organismes privés. Plusieurs entreprises spécialisées dans l’audit environnemental sont également visées, après des perquisitions menées en juillet dernier à la demande du parquet de Berlin. Ces actions illustrent la volonté des autorités d’améliorer la supervision de ces projets, souvent critiqués pour leur opacité et leur manque de transparence.
Les faiblesses dans la validation des crédits carbone posent de sérieuses questions sur la fiabilité de ces instruments de marché, qui sont cruciaux pour atteindre les objectifs climatiques internationaux. Le préjudice financier potentiel de cette fraude est estimé à 4,5 milliards d’euros, un montant basé sur les amendes non payées par les entreprises ayant faussé leurs rapports de réduction d’émissions. Cette situation pousse l’UBA à suspendre l’approbation de nouveaux projets de réduction d’émissions en Chine depuis le 1er juillet, dans le but de restaurer la confiance dans les mécanismes de compensation carbone.
Enjeux financiers et répercussions réglementaires
Le gel des crédits carbone par l’Allemagne met en lumière les risques associés à la délégation des audits à des entités potentiellement non indépendantes. Les régulateurs allemands et européens sont de plus en plus sollicités pour revoir les critères de validation des projets et renforcer les conditions d’attribution des crédits carbone. La crédibilité du marché dépend de la capacité des autorités à mettre en place des mesures de transparence et de vérification plus rigoureuses pour éviter les abus.
Le marché volontaire des crédits carbone, déjà fragilisé par des pratiques douteuses, pourrait également être affecté par cette crise de confiance. Les prix et la liquidité des crédits ont été impactés, et les projets de moindre qualité font face à des critiques croissantes. Des solutions telles que la diversification des méthodes de compensation, y compris les projets de collecte de méthane et de capture technologique de carbone, sont envisagées, mais nécessitent des audits rigoureux et des preuves solides de réduction des émissions pour maintenir leur crédibilité.
Perspectives pour le marché européen des crédits carbone
Les révélations sur la fraude aux crédits carbone en Chine poussent les régulateurs à adopter des mesures plus strictes et à renforcer leurs exigences de validation. La coopération entre les régulateurs, les gouvernements et les entreprises sera essentielle pour assurer l’intégrité des mécanismes de compensation carbone. Le marché doit s’adapter à une régulation plus rigoureuse, où la conformité et la transparence seront des critères indispensables. Les entreprises doivent se préparer à des audits plus fréquents et à des sanctions plus sévères en cas de non-conformité.
Le marché européen des crédits carbone, essentiel pour les stratégies de lutte contre le changement climatique, doit regagner la confiance des investisseurs et des acteurs du secteur. Une régulation renforcée, associée à une surveillance plus rigoureuse, pourrait contribuer à stabiliser ce marché en pleine expansion mais encore vulnérable.