Un tournant majeur dans la stratégie européenne d’indépendance énergétique s’est amorcé avec l’inauguration récente d’une usine de raffinage de lithium à Francfort, en Allemagne. Porté par Vulcan Energy, ce projet mise sur une innovation technologique et environnementale : l’extraction de lithium par géothermie. Ce procédé réduit considérablement les émissions de carbone par rapport aux techniques traditionnelles.
En exploitant la saumure géothermale issue des profondeurs de la vallée du Rhin, Vulcan Energy transforme le lithium brut en hydroxyde de lithium, élément essentiel pour les batteries électriques et le stockage énergétique. Cette méthode utilise de l’eau naturellement chauffée à 165°C, ce qui permet également de produire de l’énergie verte, revendue au réseau local. Selon l’entreprise, ce procédé pourrait couvrir entre 5 et 10 % des besoins européens dès 2027.
Une stratégie pour réduire la dépendance aux importations
La dépendance actuelle de l’Europe aux importations de lithium, majoritairement d’Australie, du Chili et de Chine, constitue un défi stratégique pour les constructeurs automobiles et le secteur du stockage énergétique. Ces derniers, engagés dans la transition vers des solutions durables, font face à une demande croissante de ce métal critique. L’Union européenne ambitionne de raffiner localement 40 % des matériaux critiques d’ici 2030. L’usine de Vulcan Energy marque une étape clé dans cette direction.
Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large, avec 28 initiatives similaires prévues en Europe, dont certaines exploitent également la géothermie, comme le projet d’Eramet en Alsace. Cependant, la plupart n’ont pas encore dépassé la phase pilote.
Les enjeux économiques et environnementaux
Le raffinage local pourrait permettre à l’Europe de réduire son empreinte carbone, un objectif crucial dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Un rapport de l’ONG Transport & Environment (T&E) souligne que le processus de Vulcan Energy génère 83 % moins d’émissions de carbone que les méthodes traditionnelles pratiquées en Chine.
Cependant, des défis subsistent. Alina Racu, experte chez T&E, met en garde : pour atteindre une réelle indépendance, chaque étape de la production des batteries, y compris la fabrication des cathodes, doit se faire en Europe. Or, ces composants restent principalement importés de Chine.
Une ambition soutenue par des partenariats
L’Union européenne a récemment signé un accord avec la Serbie pour exploiter des gisements de lithium à partir de 2028. De plus, des entreprises comme AMG Lithium, bien que dépendantes d’importations, renforcent la capacité de raffinage sur le continent. Vulcan Energy, de son côté, bénéficie du soutien du gouvernement allemand à hauteur de 100 millions d’euros, preuve de l’engagement public pour développer une chaîne de valeur locale et durable.
Alors que la demande de lithium pourrait doubler d’ici 2030 pour atteindre 2,5 millions de tonnes, ces initiatives européennes apparaissent indispensables. Toutefois, pour atteindre une indépendance totale, les acteurs devront surmonter des obstacles économiques, technologiques et réglementaires.