Les militants du climat, venus perturber l’assemblée générale de TotalEnergies, mais aussi le gouvernement ont mis la pression vendredi sur le groupe pétrolier pour qu’il se détourne plus rapidement des énergies fossiles. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a appelé le groupe à « mettre le paquet » sur les énergies renouvelables. « Total investit dans les énergies renouvelables, mais l’enjeu, c’est d’aller plus vite, plus fort et surtout plus rapidement », a déclaré sur FranceInfo la ministre, pour qui les entreprises pétro-gazières « doivent se réinventer, sortir des énergies fossiles ».
L’entreprise doit ouvrir à 10H00 son assemblée générale annuelle d’actionnaires, dans une salle de concerts parisienne protégée depuis la veille par vigiles, barrières et forces de l’ordre. Dès l’aube, des dizaines de manifestants ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers parisiens. Une dizaine d’entre eux, assis devant l’entrée, ont été délogés par les forces de l’ordre qui ont fini par projeter du gaz lacrymogène au milieu du groupe. Les manifestants sont néanmoins restés à proximité, environ une centaine de chaque côté du tronçon de rue, bloqué par des camions de police et gendarmerie. Quatre personnes ont été interpellées, selon la police.
Interdiction des téléphones
« L’AG doit se tenir », répétait-on vendredi matin du côté de TotalEnergies, tandis que les premiers actionnaires arrivaient et rentraient dans les lieux au compte-gouttes, accueillis par les cris des protestataires. L’un d’eux, Jean-Paul (qui ne veut pas donner son nom) a expliqué à l’AFP avoir une « sensibilité écologique »: « On est tous concernés par les phénomènes climatiques, mais il y a aussi des aspects économiques, d’emploi. C’est plus compliqué que ça ». « Assasins! Criminels! » lançaient certains manifestants aux actionnaires tentant de rentrer dans la salle. « On ne les lâchera pas », assurait de son côté Marie Cohuet, porte-parole de l’association Alternatiba, pour qui l’entreprise « incarne le pire de ce qui se fait en termes d’exploitation des populations et de la planète ».
Le blocage est organisé avec d’autres associations dont Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et Extinction Rebellion. Cette réunion arrive à la fin d’une saison d’AG houleuses, au cours de laquelle les actions se sont multipliées contre les grands groupes sur fond de profits faramineux: ensemble, BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies affichent plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose. A l’intérieur, TotalEnergies a interdit aux actionnaires et aux journalistes d’utiliser leurs téléphones portables, les obligeant à laisser certains effets personnels à l’entrée. Du jamais vu, des plaques en plexiglas de 2 mètres de haut ont été dressées entre la scène où prendront place les dirigeants et le public.
Salaire du PDG
Les quelque 1,5 million d’actionnaires individuels, présents ou en ligne, seront appelés à voter deux fois sur le climat: une sur la stratégie climat du groupe, qui devrait être adoptée, et une autre, consultative, émanant de l’organisation d’actionnaires activistes Follow This, qui demande à TotalEnergies d’aligner ses objectifs de réduction d’émissions sur l’Accord de Paris de 2015, pour limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.
Parmi ces 17 investisseurs, qui détiennent près de 1,5% de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l’Échiquier. Même si le groupe n’envisage pas de baisser significativement ses émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre dans la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacités d’électricité renouvelable d’ici 2030. Son PDG Patrick Pouyanné, dans une interview à La Croix mercredi, récuse les critiques, et explique qu’il doit notamment répondre à la demande croissante des pays en développement. « Non, TotalEnergies ne peut pas tout seul faire diminuer la demande de pétrole », martèle-t-il, appelant à se concentrer sur « la fin du charbon ».
TotalEnergies est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Emirats arabes unis, en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda, avec le projet controversé de l’oléoduc chauffé Eacop devenu un symbole médiatisé de la lutte anti-pétrole. Cette polémique s’ajoute à bien d’autres pour la major, critiquée pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d’euros) en 2022, ses impôts en France ou le salaire du PDG. Une hausse de 10% de sa rémunération pour 2023 est d’ailleurs à l’ordre du jour de l’AG.