Après des années d’incertitude, l’Afrique du Sud s’engage désormais activement dans l’exploitation de ses ressources en gaz de schiste. Lors d’une récente visite officielle aux États-Unis, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a proposé un important accord commercial à l’administration américaine, offrant d’acheter chaque année entre 75 et 100 millions de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, sur une période de dix ans. En contrepartie, l’Afrique du Sud souhaite bénéficier d’un accès facilité au marché américain pour ses exportations industrielles, notamment dans les secteurs automobile, de l’acier et de l’aluminium. Ce partenariat inclut également une demande spécifique d’expertise américaine en matière de fracturation hydraulique pour débloquer les vastes réserves du bassin du Karoo.
Un potentiel gazier sous-exploité
Le bassin du Karoo est considéré comme l’un des gisements de gaz de schiste les plus importants en Afrique. Selon les estimations de la Petroleum Agency South Africa (PASA), ce bassin pourrait contenir jusqu’à 209 trillions de pieds cubes (Tcf) de gaz récupérable. Toutefois, des études indépendantes réduisent cette estimation à environ 20 Tcf en raison des contraintes techniques et économiques liées à l’exploitation. Le gouvernement sud-africain a récemment levé le moratoire sur l’exploration de ce gaz, ce qui marque un tournant majeur dans la stratégie énergétique du pays.
Cette décision s’accompagne d’une restructuration significative du secteur énergétique national. La création récente de la South African National Petroleum Company (SANPC), fusionnant plusieurs entreprises publiques existantes, est au cœur de cette nouvelle dynamique. Cette société est désormais chargée de coordonner les investissements, attirer les capitaux étrangers, et assurer la sécurité énergétique du pays. La SANPC représente également le point de contact privilégié avec les États-Unis pour négocier ce futur partenariat technologique et commercial.
Enjeux économiques et diplomatiques
Sur le plan économique, la proposition sud-africaine constitue une opportunité notable pour les États-Unis de renforcer leur position sur le marché africain du gaz naturel liquéfié. Elle intervient à un moment où l’Afrique du Sud cherche à diversifier ses sources énergétiques face à un déclin notable des importations gazières en provenance du Mozambique. Par ailleurs, le gouvernement sud-africain espère dynamiser son économie en exploitant localement le gaz de schiste, réduisant ainsi sa dépendance énergétique traditionnelle vis-à-vis du charbon.
Cette initiative intervient dans un contexte diplomatique complexe entre les deux pays, marqué par plusieurs points de tension récents concernant notamment la politique intérieure sud-africaine. Néanmoins, Pretoria mise sur cet accord énergétique pour renforcer durablement les relations commerciales bilatérales. Ce choix stratégique révèle la volonté sud-africaine de s’intégrer davantage dans l’économie mondiale du gaz naturel, tout en attirant les investissements nécessaires pour moderniser son secteur énergétique.
Un futur conditionné par l’expertise étrangère
La réalisation concrète du projet dépend toutefois directement de l’obtention d’un transfert de technologie américain, particulièrement dans le domaine du forage par fracturation hydraulique. Cette technique, largement épréeuvée aux États-Unis, est indispensable pour permettre une exploitation commercialement viable des réserves du Karoo. Le gouvernement sud-africain mise sur cette expertise étrangère pour garantir la réussite économique de son projet.
De nombreux acteurs du secteur énergétique mondial observent avec attention l’évolution de cette situation. Le succès ou l’échec de cette initiative pourrait en effet influencer les futures stratégies énergétiques d’autres pays disposant de réserves similaires. L’avenir énergétique sud-africain dépendra donc étroitement de la réponse américaine et des conditions commerciales associées à cette éventuelle coopération.