Sur la planisphère mondiale de l’hydrogène vert en 2050, l’Afrique du Nord est la première région exportatrice du monde et l’Europe la première zone importatrice. Une étude du cabinet Deloitte rebat les cartes mondiales de l’énergie et, potentiellement, de l’industrie du futur.
L’Hydrogène Vert et la Perspective d’un Marché en 2050
L’émergence de l’hydrogène vert, liée à celle des énergies renouvelables, « redessinera le paysage mondial de l’énergie et des ressources dès 2030, et pourrait à terme constituer un marché de 1.400 milliards de dollars par an », affirme cette étude publiée au cœur de l’été.
En mai, le Conseil mondial de l’hydrogène a collaboré avec McKinsey. Ce partenariat a permis de recenser plus d’un millier de projets d’hydrogène vert, nécessitant 320 milliards de dollars pour des mises en service avant 2030. Le Conseil a été créé à Davos en 2018 par les grands industriels du secteur.
A l’horizon de 2050, selon Deloitte, les principaux exportateurs d’hydrogène vert devraient être « l’Afrique du Nord (110 milliards de dollars par an), l’Amérique du Nord (63 milliards de dollars), l’Australie (39 milliards de dollars) et le Moyen-Orient (20 milliards de dollars) ».
Décarbonisation et Diversification des Applications de l’Hydrogène Vert
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la croissance des besoins en hydrogène vert décarbone les industries. Celles-ci incluent la pétro-chimie, la sidérurgie et le ciment. Les transports lourds comme l’aviation ou le maritime sont aussi assoiffés d’hydrogène pour remplacer les énergies fossiles, ne pouvant dépendre comme l’automobile de batteries électriques. La production d’hydrogène vert à partir de soleil ou de vent peut aussi servir à développer « de façon inclusive » l’industrie de pays émergents, espère le rapport.
Défis et Perspectives de l’Hydrogène Vert face à la Production Grise
Par exemple, il pourrait permettre de développer la sidérurgie des pays du sud. Mais actuellement, 99% de l’hydrogène industriel mondial est « gris », issu du gaz méthane sur des sites pétro-chimiques, une opération qui libère énormément de gaz à effet de serre comme le CO2 dans l’atmosphère, et participe au réchauffement de la planète. Et moins de 1% de l’hydrogène peut être qualifié de « vert », issu de l’électrolyse de l’eau qui sépare les atomes d’oxygène et d’hydrogène par un courant électrique. L’hydrogène vert du futur viendra donc de l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité éolienne, solaire ou hydraulique. Certaines expériences en cours parient même sur une production directement en mer, à côté des éoliennes et d’eau de mer dessalée.
L’Afrique du Nord : Atouts et Opportunités dans le Paysage de l’Hydrogène Vert
C’est là que l’Afrique du Nord a une carte à jouer, selon Sébastien Douguet. Le chef du conseil économique chez Deloitte est également co-auteur de l’étude. Celle-ci se base notamment sur des modélisations de données de l’Agence internationale de l’Énergie (AIE).
« Plusieurs pays du nord de l’Afrique comme le Maroc ou l’Egypte se saisissent de la question de l’hydrogène et des stratégies hydrogène y sont annoncées avec seulement quelques années de retard par rapport à l’Union européenne et aux Etats-Unis », relève le chercheur.
« Le Maroc a un très fort potentiel éolien souvent sous-estimé, et un grand potentiel solaire, et l’Egypte a les moyens de devenir le principal exportateur d’hydrogène vers l’Europe en 2050 grâce aux pipeline de gaz naturel déjà existants » qui seraient réaffectés à l’hydrogène, explique-t-il, interrogé par l’AFP.
Enjeux de l’Économie Verte et Coordonnation des Politiques Publiques
« Dans notre étude nous faisons l’hypothèse d’un arrêt des investissements en 2040 » dans la capture et le stockage du CO2 émis lors de la production d’hydrogène à base du gaz méthane, la stratégie actuelle des pays pétroliers du Golfe, mais aussi des Etats-Unis, de la Norvège ou du Canada, ajoute M. Douguet.
L’hydrogène produit ainsi n’a pas l’étiquette verte, mais « bleue ». Plusieurs pays parient sur le transport par bateau de vecteurs intermédiaires tels que le kérozène vert, le méthanol ou l’ammoniac. L’hydrogène serait ensuite extrait à l’arrivée au port. Une stratégie déjà lancée au Japon et en Corée, importateurs, avec l’Australie, productrice d’ammoniac, selon M. Douguet.
« Cette économie verte peut devenir rentable pour les clients finaux, à condition que les soutiens publics pour l’établissement des infrastructures soit sur la longue durée et que les politiques publiques soient coordonnées », prévient toutefois l’auteur de l’étude.