articles populaires

L’accord pétrolier EAU-Israël: une révolution géopolitique?

La normalisation des liens entre les Émirats arabes unis (EAU) et Israël soulève des questions cruciales sur l'accord pétrolier et l'oléoduc Eilat-Ashkelon. Cet accord potentiel, qui permettrait de contourner le canal de Suez, pourrait avoir des implications majeures pour les routes d'approvisionnement en pétrole au Moyen-Orient, redessinant ainsi les équilibres stratégiques de la région.

Partagez:

L’accord pétrolier EAU-Israël constitue-t-il un tournant stratégique au Moyen-Orient ? C’est en tout cas la question qui se pose après la normalisation historique des liens entre les deux pays. Le gouvernement israélien vient effectivement d’annoncer l’ouverture avec Dubaï de discussions concernant l’utilisation d’un oléoduc commun (l’Europe Asia Pipeline). Celui-ci relie le port d’Eilat, en mer Rouge, à Ashkelon, en Méditerranée, contournant ainsi le canal de Suez.

Doté d’une capacité de 600 000 barils/jour, ce pipeline servira principalement à acheminer du brut du Moyen-Orient vers l’Europe. Il sera cogéré par la compagnie d’État israélienne EAPC et la compagnie émiratie MED-RED Land Bridge. Fonctionnant dans les deux sens, l’oléoduc pourra transporter également du brut d’Asie centrale et d’Europe vers l’océan indien. Si ce projet venait à se concrétiser, il pourrait ainsi devenir une route pétrolière majeure dans les années à venir.

L’importance stratégique de l’accord pétrolier EAU-Israël

L’annonce des discussions sur le pipeline Eilat-Ashkelon a entraîné une onde de choc au Moyen-Orient. La question des routes d’approvisionnement du pétrole est en effet centrale dans une région toujours très dépendante des exportations d’hydrocarbures. Plusieurs facteurs expliquent l’importance stratégique de cette nouvelle route.

accord pétrolier EAU-Israël

La vulnérabilité du canal de Suez

Le premier facteur tient aux vulnérabilités rencontrées par la route du canal de Suez et son oléoduc, le SUMED. Du fait de son manque de profondeur, le canal est effectivement incapable de faire naviguer les supertankers dits VLCC. Ces derniers peuvent charger environ 2 millions de barils soit deux fois plus que le maximum autorisé sur cette route. En conséquence, les transporteurs de brut  doivent utiliser deux navires au lieu d’un seul VLCC engendrant des coûts supplémentaires.

Ils peuvent également faire transporter leur brut via le SUMMED pipeline construit parallèlement au canal de Suez. Le problème réside néanmoins dans la capacité limitée de l’oléoduc qui ne peut accueillir que 2,34 millions de barils/jour. Cela ne représente guère que 40 % des flux pétroliers traversant le canal. Avec la hausse du trafic, on peut donc s’attendre à un engorgement rapide de cette route dans les prochaines années.

Or, il faut rappeler que le canal de Suez représente la troisième route pétrolière de transit au monde. C’est ainsi près de 6 millions de barils qui sont transportés chaque jour par cette voie. Dès lors, l’oléoduc EAU-Israël constitue une alternative intéressante pour permettre notamment l’usage des VLCC et désengorger le trafic.

Un conflit d’influence avec la Turquie

L’accord pétrolier EAU-Israël doit être aussi perçu comme une stratégie d’influence des deux pays sur la scène régionale. Pour le gouvernement israélien, l’accord entrevoit ainsi la possibilité de faire du pays une zone de transit vers l’Europe. Dans cette optique, Tel-Aviv ambitionne de devenir un hub pétro-gazier et ce afin d’augmenter sa capacité d’influence dans la région. Cette ambition est d’ailleurs partagée par la Turquie qui fait figure de grande perdante du rapprochement entre Dubaï et Tel-Aviv.

Pour les Émiratis, en effet, l’accord pétrolier sert à contrer l’influence turque sur le transit vers l’Europe. Dubaï espère ainsi concurrencer la route Kirkouk-Ceyhan qui fait transiter 500 000 barils/jour de brut irakien par la Turquie. Les EAU ont également l’ambition de livrer du gaz à l’Europe via une extension du gazoduc EastMed. Cela pourrait permettre de valoriser les immenses découvertes de gaz faites récemment par Dubaï dans son champ de Jebel Ali.

À cet instant, cependant, ce projet gazier n’a guère dépassé le stade des simples discussions. Néanmoins, il pourrait constituer un élément important dans la future relation entre les gouvernements israélien et émirati.

Les incertitudes de l’accord pétrolier EAU-Israël

Par certains aspects, l’accord pétrolier EAU-Israël est très ambitieux et ne se limite pas au seul secteur du pétrole. Pourtant, des zones d’ombre demeurent mettant en doute la véritable portée stratégique de l’accord.

Le manque de transparence du projet

Une des premières interrogations du projet concerne son relatif manque de transparence. En effet, le gouvernement israélien s’est toujours refusé à publier des informations sur l’état physique et financier de l’oléoduc. Cela tient au caractère particulier du pipeline Eilat-Ashkelon qui fut conçu au départ comme un projet commun avec l’Iran. Après la révolution islamique de 1979, il fut nationalisé unilatéralement par Israël créant un contentieux juridique entre les deux pays.

Depuis lors, on ne sait absolument rien des compagnies qui utilisent l’oléoduc. Ce manque de transparence est particulièrement problématique pour les investisseurs, notamment en cas de sinistre environnemental. Rappelons qu’en 2014, cet oléoduc fut responsable de la pire catastrophe écologique de l’histoire d’Israël. L’absence de transparence pourrait ainsi considérablement réduire l’intérêt des investisseurs pour ce projet.

Les incertitudes issues de la géopolitique régionale

Une autre interrogation concerne les effets géopolitiques de l’accord pétrolier EAU-Israël. En effet, en contournant le canal de Suez, le projet d’accord a provoqué l’ire de l’Égypte. Pour Le Caire, il s’agit d’un enjeu crucial pour ses finances publiques et son statut dans la région. Dans ces conditions, il n’est pas impossible que les EAU et Israël limitent leurs ambitions afin de satisfaire les égyptiens.

De même, cet accord ne règle absolument pas les problèmes de transit dans les détroits d’Hormuz et de Bab-el-Mandeb. Les rivalités avec l’Iran et l’instabilité au Yémen seront donc toujours des obstacles importants aux exportations émiraties vers l’Europe. La solution serait dès lors d’utiliser l’oléoduc Est-Ouest qui traverse l’Arabie saoudite jusqu’à la mer Rouge. Cela dépendra néanmoins des capacités du pipeline ainsi que de la reconnaissance de l’État d’Israël par Riyad.

Il est donc encore trop tôt pour dire si l’accord pétrolier EAU-Israël constitue une véritable révolution géopolitique. Afin qu’elle le soit, le pipeline devra sans doute s’étendre vers les pays du Golfe. Dans les faits, la portée du projet dépendra ainsi en grande partie de l’attitude de l’État saoudien vis-à-vis d’Israël.

Publicite

Récemment publiés dans

Un accord sur l’exploitation de 57 types de ressources naturelles doit être ratifié par le Parlement ukrainien, prévoyant un fonds bilatéral avec Washington sans contrepartie militaire explicite.
La Russie se positionne en soutien actif des négociations nucléaires entre l’Iran et les États-Unis, plaidant pour un cadre juridique équilibré et conforme au droit international.
La Russie se positionne en soutien actif des négociations nucléaires entre l’Iran et les États-Unis, plaidant pour un cadre juridique équilibré et conforme au droit international.
Le président français reçoit à Paris le dirigeant turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov pour officialiser des accords économiques, sur fond de rivalités géopolitiques autour des ressources gazières d’Asie centrale.
Le président français reçoit à Paris le dirigeant turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov pour officialiser des accords économiques, sur fond de rivalités géopolitiques autour des ressources gazières d’Asie centrale.
L'Indonésie et le Japon renforcent leur partenariat énergétique à travers plusieurs grands projets stratégiques, notamment dans le cadre des initiatives JETP et AZEC, destinées à structurer durablement le mix énergétique indonésien et soutenir son infrastructure.
L'Indonésie et le Japon renforcent leur partenariat énergétique à travers plusieurs grands projets stratégiques, notamment dans le cadre des initiatives JETP et AZEC, destinées à structurer durablement le mix énergétique indonésien et soutenir son infrastructure.
L’Égypte, la Tunisie et le Maroc investissent dans des interconnexions sous-marines pour acheminer leur électricité renouvelable vers les marchés européens, dans un contexte de demande énergétique croissante.
L’Iran a réagi aux menaces de sanctions formulées par les États-Unis et la France, dénonçant une pression politique jugée illégitime et maintenant sa position sur la légalité de ses exportations pétrolières.
L’Iran a réagi aux menaces de sanctions formulées par les États-Unis et la France, dénonçant une pression politique jugée illégitime et maintenant sa position sur la légalité de ses exportations pétrolières.
Les États-Unis et l’Ukraine ont établi un fonds commun pour exploiter les ressources naturelles ukrainiennes, dans le cadre d’un accord bilatéral sans engagements militaires explicites.
Les États-Unis et l’Ukraine ont établi un fonds commun pour exploiter les ressources naturelles ukrainiennes, dans le cadre d’un accord bilatéral sans engagements militaires explicites.
Les États-Unis et l’Ukraine ont signé un accord bilatéral établissant un fonds d’investissement destiné à financer la reconstruction et des projets d’extraction de ressources naturelles sur le territoire ukrainien.
Les États-Unis et l’Ukraine ont signé un accord bilatéral établissant un fonds d’investissement destiné à financer la reconstruction et des projets d’extraction de ressources naturelles sur le territoire ukrainien.
Mark Carney, favori aux élections canadiennes, devra rapidement gérer des négociations délicates avec les États-Unis, partenaire commercial majeur, dans un contexte d'incertitudes tarifaires et d'isolement économique américain.
La Russie et l’Iran prévoient une forte accélération de leurs échanges commerciaux dès l'entrée en vigueur de leur accord de libre-échange en mai, couvrant notamment le pétrole, le gaz et le nucléaire civil.
La Russie et l’Iran prévoient une forte accélération de leurs échanges commerciaux dès l'entrée en vigueur de leur accord de libre-échange en mai, couvrant notamment le pétrole, le gaz et le nucléaire civil.
Lors de la visite officielle du président Ilham Aliyev en Chine, six accords ont été signés entre l'Azerbaïdjan et des partenaires chinois pour développer des projets d'énergie verte, incluant des centrales solaires, un parc éolien offshore et des systèmes de stockage d'énergie.
Lors de la visite officielle du président Ilham Aliyev en Chine, six accords ont été signés entre l'Azerbaïdjan et des partenaires chinois pour développer des projets d'énergie verte, incluant des centrales solaires, un parc éolien offshore et des systèmes de stockage d'énergie.
Narendra Modi effectue une visite d’État en Arabie saoudite pour consolider les liens énergétiques et commerciaux entre l’Inde et Riyad, principal fournisseur stratégique de pétrole brut pour New Delhi.
Narendra Modi effectue une visite d’État en Arabie saoudite pour consolider les liens énergétiques et commerciaux entre l’Inde et Riyad, principal fournisseur stratégique de pétrole brut pour New Delhi.
La domination des États-Unis dans la production de pétrole et de gaz pourrait stagner et même décliner dans les prochaines décennies, selon un rapport de Wood Mackenzie. Les défis technologiques et l’essor des énergies faibles en carbone sont des facteurs clés de cette évolution.
Le ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, a rencontré son homologue nigérien à Niamey le 16 avril 2025 pour discuter de coopération économique et de sécurité, dans un contexte marqué par des tensions politiques et des menaces terroristes.
Le ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, a rencontré son homologue nigérien à Niamey le 16 avril 2025 pour discuter de coopération économique et de sécurité, dans un contexte marqué par des tensions politiques et des menaces terroristes.
Alors que les négociations nucléaires entre l'Iran et les États-Unis se poursuivent, les pays européens se retrouvent mis à l'écart, bien que leur rôle ait été central dans l'accord de 2015.
Alors que les négociations nucléaires entre l'Iran et les États-Unis se poursuivent, les pays européens se retrouvent mis à l'écart, bien que leur rôle ait été central dans l'accord de 2015.
Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Rafael Grossi, a souligné l'urgence d'un accord sur le nucléaire iranien avant des négociations cruciales prévues ce week-end à Rome.
Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Rafael Grossi, a souligné l'urgence d'un accord sur le nucléaire iranien avant des négociations cruciales prévues ce week-end à Rome.
Le gouvernement grec officialise une planification de ses zones maritimes afin d’optimiser l’exploitation de ses ressources, notamment énergétiques, dans un cadre conforme aux normes européennes et internationales.
Moscou refuse de préciser la date d’expiration du moratoire russo-ukrainien sur les frappes énergétiques, malgré les tensions persistantes et l’implication diplomatique des États-Unis.
Moscou refuse de préciser la date d’expiration du moratoire russo-ukrainien sur les frappes énergétiques, malgré les tensions persistantes et l’implication diplomatique des États-Unis.
Le Kremlin a affirmé sa volonté de contribuer activement à une issue diplomatique sur le dossier nucléaire iranien, à l’approche d’un nouveau cycle de discussions entre Téhéran et Washington prévu ce samedi.
Le Kremlin a affirmé sa volonté de contribuer activement à une issue diplomatique sur le dossier nucléaire iranien, à l’approche d’un nouveau cycle de discussions entre Téhéran et Washington prévu ce samedi.
Abbas Araghchi rencontrera Sergueï Lavrov en Russie avant la reprise des discussions sur le nucléaire iranien avec les États-Unis, prévue le 19 avril à Mascate sous médiation omanaise.
Abbas Araghchi rencontrera Sergueï Lavrov en Russie avant la reprise des discussions sur le nucléaire iranien avec les États-Unis, prévue le 19 avril à Mascate sous médiation omanaise.
Alors que la Russie ratifie un accord nucléaire civil de vingt ans avec l’Iran, les États-Unis rouvrent des pourparlers indirects à Oman. Téhéran exige la levée des sanctions, tandis que 275 kg d’uranium enrichi à 60 % suscitent des inquiétudes.
La Douma d’État russe valide officiellement un partenariat énergétique majeur avec l'Iran, ouvrant la voie à une coopération renforcée dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel et du nucléaire civil, malgré les sanctions occidentales.
La Douma d’État russe valide officiellement un partenariat énergétique majeur avec l'Iran, ouvrant la voie à une coopération renforcée dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel et du nucléaire civil, malgré les sanctions occidentales.
L’armée vénézuélienne affirme vouloir répondre fermement à toute menace après des allégations d’un complot visant à attaquer les infrastructures d’ExxonMobil dans les eaux contestées au large du Guyana.
L’armée vénézuélienne affirme vouloir répondre fermement à toute menace après des allégations d’un complot visant à attaquer les infrastructures d’ExxonMobil dans les eaux contestées au large du Guyana.
Adani, via sa filiale Adani Ports and Special Economic Zone Ltd., a lancé les opérations du terminal international de Colombo Ouest, renforçant le rôle stratégique du port de Colombo en Asie du Sud.
Adani, via sa filiale Adani Ports and Special Economic Zone Ltd., a lancé les opérations du terminal international de Colombo Ouest, renforçant le rôle stratégique du port de Colombo en Asie du Sud.

Publicite