La France prépare une refonte accélérée de sa feuille de route énergétique, avec l’annonce d’une décision attendue avant Noël concernant la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3). Ce texte, juridiquement contraignant, doit articuler la montée en puissance simultanée du nucléaire et des énergies renouvelables (ENR), tout en tenant compte d’une demande en retrait. Le gestionnaire de réseau RTE (Réseau de transport d’électricité) alerte sur une surcapacité structurelle, provoquée par le redémarrage du parc nucléaire, l’essor des ENR et une désindustrialisation post-crise gazière.
Une pression économique sur les producteurs
La situation actuelle crée une volatilité inédite sur les marchés de gros. En 2025, jusqu’à 90 % des jours du mois de mai ont connu des prix horaires nuls ou négatifs, dégradant les signaux d’investissement. Cette pression pèse sur la rentabilité d’Électricité de France (EDF), qui doit financer simultanément la prolongation du parc existant et le programme EPR2 estimé à environ €67bn ($72.3bn). Les producteurs ENR font également face à une augmentation des curtailments et à une érosion des revenus sur le marché hors période de pointe.
Des incertitudes pour les industriels et investisseurs
Les industriels électro-intensifs bénéficient à court terme de prix bas, mais l’absence de visibilité sur la trajectoire des prix et de la fiscalité CO₂ freine les décisions de relocalisation. Le gouvernement tente d’aligner la PPE3 avec ses contraintes budgétaires et les capacités financières de ses opérateurs publics. Les investisseurs, quant à eux, commencent à intégrer dans leurs modèles un risque accru lié aux surcapacités et à une possible réforme des rémunérations via des contrats pour différence (CfD).
Une PPE transformée en outil d’équilibre offre-demande
Le contenu attendu de la PPE3 va au-delà d’une simple planification de capacités. Elle devrait intégrer des objectifs d’électrification dans les secteurs clés comme la mobilité, les data centres et l’hydrogène, afin de compenser un excès d’offre croissant. En parallèle, le ministère des Finances pousse pour un lissage des investissements et une priorisation des actifs existants, tout en envisageant des mécanismes de récupération de rente pour alimenter les dispositifs de soutien à la décarbonation.
Un signal politique et européen
À l’approche des discussions européennes de 2026, la publication de la PPE3 vise aussi à restaurer la crédibilité française sur la scène communautaire. Les arbitrages sur les volumes, le phasage temporel et les schémas de rémunération seront scrutés à Bruxelles, en lien avec les aides d’État et la taxonomie verte. La capacité française à exporter de l’électricité bas-carbone est perçue comme un atout stratégique, notamment face à la concurrence des États-Unis et des pays nordiques.