La Suède se trouve à un carrefour décisif dans le développement de l’éolien offshore. Bien que le pays dispose d’un potentiel énergétique offshore considérable, le cadre actuel d’attribution des permis est mal adapté aux spécificités du secteur. Contrairement à des pays comme le Danemark ou l’Allemagne, la Suède n’a pas encore mis en place un système structuré et transparent pour le développement de l’éolien en mer. Aujourd’hui, des dizaines de gigawatts de projets sont en attente, freinés par des processus de planification mal coordonnés et des décisions tardives de la part des autorités compétentes.
La Suède utilise actuellement un système dit « de porte ouverte », permettant aux entreprises de soumettre leurs propres propositions pour le développement de sites offshore. Toutefois, ce modèle crée une concurrence pour des zones maritimes souvent identiques, ce qui entraîne des retards importants et des conflits d’intérêt entre les développeurs. À ce jour, seuls 2 GW ont obtenu un permis sur un total de plus de 100 GW de propositions soumises.
Un modèle de planification à repenser
Face à ces blocages, le gouvernement suédois a mandaté une équipe de conseillers dirigée par Magnus Hermansson, juge au tribunal foncier et environnemental, pour proposer un nouveau modèle de planification. Ce modèle pourrait s’inspirer des systèmes utilisés dans d’autres pays européens, où les gouvernements désignent des zones spécifiques pour le développement offshore et attribuent les permis via des processus d’enchères concurrentielles.
Les développeurs, tels qu’OX2, se montrent inquiets quant à l’impact d’un changement de système sur les projets déjà en cours. Ces derniers soulignent qu’ils ont déjà investi des ressources considérables pour faire avancer ces initiatives dans le cadre de la réglementation existante. Une transition vers un nouveau modèle de planification pourrait entraîner des pertes économiques significatives pour ces acteurs, ce qui nécessiterait des mesures pour préserver les projets actuels.
Des défis financiers persistants
Outre les questions de planification, la principale entrave au développement de l’éolien offshore en Suède réside dans l’absence de mécanismes de soutien financier. Contrairement à d’autres marchés européens comme le Royaume-Uni, où des contrats pour différence (CfD) stabilisent les revenus des développeurs, la Suède n’offre pas encore de cadre financier comparable. De plus, les coûts de raccordement au réseau, souvent pris en charge par l’État dans d’autres pays, restent à la charge des développeurs en Suède.
Cette situation a récemment conduit à la suspension de projets majeurs. Vattenfall, par exemple, a mis en pause son projet éolien Kriegers Flak, faute de financement pour les infrastructures de raccordement. La question des incitations financières devient donc centrale dans le débat sur l’avenir de l’éolien offshore suédois. Sans soutien clair de l’État, il est difficile pour les entreprises d’assurer la rentabilité de ces projets dans un environnement où les coûts d’investissement sont élevés.
Une stratégie concurrente : le nucléaire
En parallèle, le gouvernement suédois semble privilégier une relance du nucléaire. En août, les autorités ont dévoilé un plan visant à financer la construction de 10 nouveaux réacteurs nucléaires d’ici 2045. Ce projet repose sur un mécanisme de contrats pour différence et des prêts garantis par l’État, assurant un retour sur investissement minimum pour les acteurs privés impliqués. Cette approche contraste fortement avec l’absence de soutien similaire pour l’éolien offshore.
La Suède prévoit de doubler sa consommation d’électricité d’ici 2045 en réponse à l’augmentation des projets industriels visant la décarbonation. Néanmoins, la question de savoir si l’éolien offshore ou le nucléaire constituera la principale source d’énergie pour cette expansion reste en suspens. Bien que l’énergie nucléaire offre une alternative crédible, elle se heurte à des obstacles financiers et techniques majeurs. Les nouveaux réacteurs en Europe sont fréquemment confrontés à des dépassements de coûts et des retards, rendant leur livraison incertaine.
Vers une complémentarité énergétique
Dans ce contexte, les acteurs de l’éolien offshore plaident pour une complémentarité entre les différentes sources d’énergie. Selon Emelie Zakrisson, directrice de l’éolien offshore chez OX2, la Suède ne peut pas se permettre de négliger l’éolien offshore alors que le pays cherche à décarboner son industrie. L’éolien pourrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique, notamment grâce à des délais de mise en service plus courts par rapport aux nouvelles centrales nucléaires.
Cependant, le débat sur la répartition des subventions publiques entre le nucléaire et l’éolien reste ouvert. Avec la mise en place récente d’un soutien financier pour les projets éoliens terrestres, une extension similaire pour l’éolien offshore pourrait redynamiser le secteur. Pour l’heure, aucune décision concrète n’a été prise concernant de telles mesures.
La Suède doit désormais choisir entre maintenir une voie vers le nucléaire ou diversifier ses investissements dans des énergies renouvelables comme l’éolien offshore. Le défi consiste à trouver un équilibre entre la sécurité énergétique à long terme et la rentabilité des investissements à court terme.