Depuis plusieurs années déjà, la Russie vise les marchés asiatiques en pleine croissance. Le contexte international, et au vu des sanctions occidentales, incite d’autant plus Moscou à s’orienter vers ces marchés. L’Inde est-elle un marché sûr et durable pour les exportations russes ?
La stratégie russe
Comme nous venons de l’évoquer, la Russie cible actuellement les marchés asiatiques, et notamment indiens. Si cette décision est en partie poussée par la volonté d’embargo sur le pétrole russe des pays occidentaux, elle reste cohérente avec la politique russe. En effet, la Russie a fait de l’Asie une cible commerciale prioritaire depuis presque une décennie.
Par ailleurs, Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires Etrangères russes, fait un appel du pied à l’Inde dans un communiqué de presse publié le 1er avril :
« Nous serons prêts à fournir à l’Inde tous les produits que l’Inde souhaite acheter. »
Les analystes considèrent en effet les marchés asiatiques comme des alternatives prometteuses. Cependant, certains pays ont déjà prononcé des sanctions contre la Russie, comme le Japon ou la Corée du Sud. Ce n’est pas le cas de l’Inde, pour le moment.
Pour ces raisons, les responsables russes ont déclaré que les producteurs peuvent transférer des volumes vers d’autres destinations. Ils ont ajouté qu’ils ne voyaient pas de risque que leur pétrole ne trouve pas de marché.
Un contexte favorable
En plus du contexte international poussant la Russie à s’intéresser d’avantage aux marchés asiatiques, d’autres facteurs sont à prendre en compte. En effet, la Russie et l’Inde n’ont cessé de renforcer leurs liens énergétiques.
Le plus grand producteur de brut ruse, Rosneft détient ainsi une participation importante dans le raffineur indien Nayara Energy. De plus, il cherche également à accroître sa coopération en matière de GNL sur le territoire indien.
En outre, des entreprises indiennes ont également rejoint des projets russes. Nous pensons notamment aux projets Vnakor et Taas-Yuryakh menés par Rosneft. De plus, les entreprises occidentales ont annoncé leur intention de se retirer des projets russes. Les investisseurs asiatiques, et notamment indiens, pourraient alors se révéler des acheteurs potentiels de ces participations.
L’Inde y voit une opportunité
En effet, l’Inde semble ouverte à l’idée de profiter du pétrole russe. Le ministre indien du pétrole, Rameswar Reli a déclaré le 31 mars que le gouvernement indien surveillait de près les marchés énergétiques. Il a également ajouté :
« Le gouvernement est prêt à prendre toutes les mesures appropriées, selon ce qu’il jugera utile, notamment en soutenant les initiatives visant à libérer les réserves stratégiques de pétrole, afin d’atténuer la volatilité du marché et de calmer la hausse des prix du pétrole brut. »
De plus, la ministre indienne des Finances, Nirmala Sitharaman, a déclaré qu’elle donnait la priorité à la sécurité énergétique :
« S’il y a, tout d’abord, du carburant disponible à un prix réduit, pourquoi ne l’achèterais-je pas ? J’en ai besoin pour mon peuple, donc nous avons déjà commencé à acheter. »
En effet, l’Inde aurait déjà reçu un certain nombre de barils, selon les déclarations de la ministre lors d’un évènement le 1er avril. Rappelons également que l’autorité indienne de régulation de l’électricité a demandé aux bourses de l’électricité du pays de plafonner les prix à 12 roupies (0,158 $) par unité. Ainsi, des prix anormalement élevés pourraient nuire aux intérêts des consommateurs et éroder la confiance des acheteurs. Le pétrole russe pourrait alors être une alternative intéressante.
La Russie propose des tarifs réduits
Le brut russe se négocie à prix très réduit depuis le début de l’invasion en Ukraine, le 24 février dernier. Un brut moins cher est attrayant pour l’Inde à un moment où la flambée des prix du pétrole commence à exercer une énorme pression.
Ainsi, selon les données de S&P Global Commodity Insights, l’Oural russe aurait baissé de 26 $/baril au 1er avril, depuis le début de l’invasion. Plus récemment, les niveaux ont atteint de nouveaux records à la baisse en raison de la pression exercée par la publication, le 25 mars, du programme d’avril pour l’Oural. Les raffineries russes nationales ont été contraintes de réduire les apports de brut dans un contexte de stocks complets. Parallèlement, elles peinent à exporter des produits pétroliers.
De plus, rappelons que les sanctions ont également restreint la capacité de la Russie à effectuer des transactions financières avec ses partenaires occidentaux. Cela accélère la tendance à se tourner vers des monnaies alternatives. M, Lavrov s’exprime à ce sujet :
« Je tiens à vous rappeler que nous avons commencé à nous éloigner de l’utilisation des dollars et des euros pour utiliser de plus en plus les monnaies nationales dans nos relations avec l’Inde, la Chine et de nombreux autres pays il y a de nombreuses années. Dans les circonstances actuelles, je pense que cette tendance va s’intensifier, ce qui est naturel et évident. »
La Russie sera ainsi encore plus encline à proposer des prix réduits à l’Inde. En effet, le marché indien permet aux raffineurs russes de contourner les paiements en euros et en dollars.
Ainsi, il semble clair que l’Inde pourrait se révéler être un partenaire énergétique de premier plan pour la Russie. Les deux pays semblent trouver de nombreux avantages à commercer ensemble.
Cependant, nous devons nuancer ce propos. En effet, les analystes ont déclaré que les acheteurs indiens s’inquiètent de la logistique des expéditions et des retards potentiels des cargaisons. Les exportations en provenance de la région de la Mer Noire pourraient ainsi rencontrer des difficultés en marge du conflit en Ukraine. Cela pourrait inciter les acheteurs à se tourner, au moins temporairement, vers des cargaisons en provenance du Moyen-Orient.