Le sud-ouest de la Russie et la Crimée annexée font face à une catastrophe environnementale majeure après le naufrage des pétroliers Volgoneft-212 et Volgoneft-239 en décembre. Ces navires transportaient 9.200 tonnes de fioul lourd de type M100, dont 26 % se seraient déjà écoulées en mer, selon les autorités. La ville stratégique de Sébastopol, base navale historique russe, est désormais directement touchée.
Une pollution sans précédent
Le fioul M100 présente des propriétés inédites qui compliquent son traitement. Contrairement aux hydrocarbures classiques, il ne flotte pas en surface mais s’accumule sur les fonds marins, rendant inefficaces les méthodes traditionnelles de dépollution. En l’absence de technologies adaptées, les efforts se concentrent sur le nettoyage des plages. Plus de 200.000 tonnes de sols contaminés pourraient nécessiter une intervention, selon les premières estimations.
Des capacités limitées
Les opérations de nettoyage sur les côtes russes, notamment à Anapa et dans le détroit de Kertch, se poursuivent avec l’aide de bénévoles. Cependant, Iryna Babanina, spécialiste de l’ONG britannique Conflict and Environment Observatory (CEOBS), pointe un manque d’équipements pour contenir la pollution en mer. Elle déclare que les restrictions liées à la guerre empêchent également tout déploiement de navires spécialisés ou d’avions pour limiter l’impact.
Les analyses satellitaires restent le seul outil fiable pour surveiller l’évolution de la pollution. Des images récentes montrent des nappes de pétrole atteignant le cap Meganom en Crimée, avec des implications écologiques potentiellement dévastatrices.
Un contexte géopolitique tendu
La Convention de Bucarest de 1992, qui prévoit une coopération en cas de pollution par hydrocarbures dans la mer Noire, est mise à mal par le conflit russo-ukrainien. Lors d’un incident similaire en 2007, la Russie et l’Ukraine avaient coordonné leurs efforts pour limiter les dégâts. Aujourd’hui, les tensions rendent tout échange d’informations et toute collaboration impossible, aggravant la situation.
Des infrastructures vieillissantes
La cause structurelle de l’accident est également un point de préoccupation. Les deux pétroliers échoués, construits il y a plus de 50 ans, sont issus de la flotte obsolète Volgoneft, souvent rééquipée pour des trajets au-delà de leurs capacités initiales. Selon Mme Babanina, l’intensification des frappes ukrainiennes sur les infrastructures pétrolières russes aurait poussé Moscou à augmenter l’utilisation de ces navires dépassés.
En parallèle, les sanctions internationales limitant le transport pétrolier russe via des oléoducs traditionnels ont favorisé l’émergence d’une « flotte fantôme » de navires immatriculés à l’étranger. Ces navires, souvent mal régulés, posent un risque accru d’accidents similaires à l’avenir.
Des impacts économiques et politiques
Les conséquences de cette marée noire vont bien au-delà des dommages environnementaux. La Russie, qui cherche à maintenir son influence dans la région de la mer Noire, fait face à un défi stratégique et économique majeur. Le coût des opérations de nettoyage, combiné à la perte de biodiversité et aux impacts sur le tourisme côtier, met en lumière la vulnérabilité de ses infrastructures énergétiques.
Le président Vladimir Poutine a qualifié cette crise de « catastrophe écologique », un aveu rare qui pourrait refléter l’ampleur des pressions exercées sur l’économie russe en pleine guerre.