La Fédération de Russie devra verser une indemnisation de $50bn aux ex-actionnaires de Ioukos, selon une décision rendue vendredi par la Cour suprême des Pays-Bas. Ce jugement met un terme définitif à l’un des plus longs contentieux arbitraux de l’histoire entre un État et des investisseurs privés du secteur pétrolier.
Fin d’un contentieux initié après le démantèlement de Ioukos
Ioukos, autrefois la plus grande compagnie pétrolière de Russie, avait été démantelée au début des années 2000 après l’arrestation de son dirigeant Mikhaïl Khodorkovski. La société avait émergé dans les années 1990 lors de la privatisation des actifs de l’ex-Union soviétique, avant d’être accusée d’arriérés d’impôts en 2004 par les autorités fiscales russes. Cette procédure avait conduit à la liquidation forcée de ses actifs, notamment au bénéfice de l’entreprise publique Rosneft.
Les ex-actionnaires majoritaires du groupe, regroupés au sein de GML, avaient ensuite saisi la Cour permanente d’arbitrage (CPA) à La Haye, estimant que la Russie avait orchestré l’expropriation de leurs actifs. En 2014, cette cour internationale leur avait donné raison, ordonnant le versement d’une indemnité historique.
Une procédure judiciaire échelonnée sur plus d’une décennie
La décision de 2014, qualifiée à l’époque de plus importante sentence arbitrale jamais rendue, avait été immédiatement contestée par la Russie. Les autorités russes avaient fait valoir que la CPA n’était pas compétente, déclenchant une série de recours devant la justice néerlandaise. En 2016, un tribunal néerlandais avait initialement donné raison à Moscou, avant qu’une cour d’appel ne rétablisse la validité de la sentence arbitrale.
La Cour suprême néerlandaise avait alors renvoyé le dossier pour réexamen en 2021, invoquant des irrégularités procédurales. Après une nouvelle validation par une juridiction inférieure, la Russie avait saisi une dernière fois la Cour suprême, qui a désormais rejeté l’appel, estimant la procédure conforme au droit.
Un jugement lourd de conséquences pour les litiges investisseurs-États
Cette décision marque la fin d’une saga judiciaire entamée il y a plus de 15 ans et renforce la portée des mécanismes d’arbitrage internationaux dans les différends entre investisseurs privés et États. Le groupe GML a salué une « victoire historique », soulignant l’importance du précédent créé.
Le montant de $50bn représente l’indemnisation la plus élevée jamais octroyée dans un litige entre investisseurs et État. La question de l’exécution effective du jugement reste toutefois en suspens, la Russie n’ayant pas reconnu la légitimité de l’arbitrage initial.