Les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis, qui ont atteint des niveaux records cette année, sont menacées par la remontée des prix domestiques et la pression croissante sur les marges bénéficiaires des producteurs. L’écart entre le prix de référence américain Henry Hub et les cours européens TTF s’est réduit à son niveau le plus bas depuis avril 2021, selon les données de LSEG, alimentant les inquiétudes quant à la viabilité économique de certaines exportations.
La demande intérieure, stimulée par les besoins accrus des usines de liquéfaction et les conditions hivernales, a provoqué une hausse des prix du gaz à plus de $5 par million d’unités thermiques britanniques (mmbtu). Parallèlement, les prix sur les marchés d’importation, notamment en Europe et en Asie, ont chuté sous la pression d’une offre abondante, dont une large part provient des États-Unis.
Marges sous pression et contrats à risque
Alors que les exportations américaines ont atteint 12 milliards de mètres cubes en novembre, en hausse de 20 % sur un an, la rentabilité de ces volumes devient incertaine. Plusieurs contrats d’exportation sont désormais proches du seuil de non-rentabilité si l’écart entre Henry Hub et TTF tombe sous $4 par mmbtu. En dessous de $2, représentant le coût de production moyen, une réduction de la production deviendrait probable.
Selon les projections, la capacité d’exportation mondiale de GNL augmentera de 300 milliards de mètres cubes par an d’ici 2030, soit une progression de 50 %. Les États-Unis devraient représenter 45 % de ces ajouts. Toutefois, cette expansion massive pourrait saturer davantage le marché mondial et exercer une pression supplémentaire sur les prix.
Investissements records mais incertitudes à moyen terme
Entre janvier et octobre 2025, 83 milliards de mètres cubes de nouveaux projets américains ont reçu un feu vert pour leur développement, un record. Des infrastructures comme Golden Pass, détenue par Exxon Mobil et QatarEnergy, ou l’expansion de Corpus Christi de Cheniere, viendront renforcer l’offre dès les prochains mois. Ce rythme d’investissement reflète une confiance intacte dans le rôle stratégique du GNL américain.
Néanmoins, la hausse continue de la demande intérieure en gaz, qui devrait passer de 39 à 42 trillions de pieds cubes entre 2025 et 2030, selon l’Energy Information Administration, pourrait alimenter des tensions sur le marché intérieur. La part du gaz destinée au GNL dans la demande totale passera de 13 % à 20 % sur la même période.
Risques politiques liés à la hausse des prix
La montée des prix du gaz pourrait s’avérer politiquement sensible. L’administration Trump, qui cherche à renforcer les exportations tout en promettant des prix bas pour les consommateurs américains, pourrait être confrontée à un dilemme si les marges se détériorent davantage. Une réduction de production en réponse à une rentabilité déclinante compliquerait l’objectif affiché d’exportations accrues.
L’équilibre entre marché intérieur et ambitions internationales pourrait ainsi devenir un enjeu majeur dans la stratégie énergétique américaine au cours des prochaines années.