La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé mercredi l’intention du gouvernement de renationaliser à 100% l’énergéticien EDF, lourdement endetté et mis au défi de lancer un nouveau programme nucléaire.
“Je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’Etat de détenir 100% du capital d’EDF. Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique”, a déclaré la cheffe du gouvernement dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale.
Dix-sept ans après l’ouverture de son capital et son entrée en Bourse fin 2005, l’électricien reste largement public, détenu par l’Etat à près de 84%, par les salariés qui en possèdent 1% et par des actionnaires institutionnels et individuels pour les 15% restants.
Mais le groupe est fortement endetté et confronté à de lourdes charges financières, présentes et à venir. L’énergéticien français a subi des déboires, notamment dans la construction de son nouveau modèle de réacteur, l’EPR en cours d’installation à Flamanville (Manche), qui a plus de dix ans de retard et dont le coût a quasiment quadruplé.
Un problème de corrosion affecte en outre une partie de son parc (12 réacteurs arrêtés sur 56), ce qui l’a cette année obligé à revoir plusieurs fois à la baisse son objectif de production. L’entreprise a décalé le programme de maintenance suite à la COVID-19. La baisse de production nucléaire doit, selon une estimation de mai, coûter 18,5 milliards d’euros d’excédent brut d’exploitation.
Sa situation financière s’est également dégradée avec la décision du gouvernement de le contraindre à vendre davantage d’électricité bon marché à ses concurrents, pour contenir la facture d’électricité des ménages et des petits professionnels.
“Assurer notre souveraineté”
C’est dans ce contexte que le groupe compte lancer un programme de nouveaux réacteurs nucléaires, dits EPR2, tout en continuant à se déployer dans le solaire et l’éolien. “La transition énergétique passe par le nucléaire”, a martelé mercredi Mme
Borne, reprenant la position adoptée dès cet hiver par le président Emmanuel Macron.
“Nous devons avoir la pleine maîtrise de notre production d’électricité et de sa performance”, a-t-elle ajouté pour annoncer cette renationalisation. Elle ajoute, solennellement : “nous devons assurer notre souveraineté face aux conséquences de la guerre et aux défis colossaux à venir. Nous devons prendre des décisions, que, sur ces bancs mêmes, d’autres ont pu prendre avant nous, dans une période de l’histoire où le pays devait aussi gagner la bataille de l’énergie et de la production”, a-t-elle ajouté solennellement.
Cette annonce se profilait depuis quelque temps déjà. Mais “il y a besoin d’une vraie réflexion pour donner du sens à la nationalisation”, relevait en février le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, interrogé sur cette perspective.
“Petit à petit l’entreprise EDF a été détricotée, donc c’est quoi le contour d’une entreprise publique d’énergie? Et puis quels moyens on lui donne? Quel est le cœur de métier d’une entreprise comme EDF? C’est refaire venir des compétences, réinternaliser des produits, avoir une entreprise cohérente”, appelait-il sur Boursorama.
Mme Borne n’a de fait à ce stade pas donné plus amples détails. En attendant, après l’annonce de mercredi, l’action de l’entreprise bondissait à la Bourse de Paris. Le titre prenait 15,58% à 9,07 euros vers 17H25, dans un marché en hausse de 2,10%. Avant le discours, le cours était en net recul, de 5%.
Illustration : Conection par WALTER POLICELLI