La raffinerie du groupe Dangote a franchi une nouvelle étape dans son développement international avec l’envoi de son premier cargo d’essence vers les États-Unis, expédié depuis le port de Lekki le 26 août. D’après des données de suivi maritime, le navire Gemini Pearl transporte environ 300 000 barils de carburant à destination de New York et du New Jersey, avec une arrivée prévue le 12 septembre. Il s’agit de la première expédition de ce type vers le marché nord-américain depuis le début des opérations de la raffinerie en 2024.
Trois sources commerciales ont confirmé que la cargaison a été contractée dans le cadre d’un accord privé, en dehors des appels d’offres habituels utilisés pour d’autres produits comme le fuel résiduel. Cette opération s’inscrit dans une stratégie de diversification des débouchés commerciaux, alors que le site avait jusqu’ici concentré ses livraisons sur les marchés africains et asiatiques.
Une stratégie tournée vers l’exportation ciblée
Le complexe industriel de Dangote, d’une capacité de 650 000 barils par jour (b/j), a été conçu pour répondre à une demande intérieure d’environ 300 000 b/j d’essence. À un taux d’utilisation de 85 %, l’installation pourrait produire près de 210 000 b/j, un niveau insuffisant pour combler entièrement la consommation locale. Néanmoins, la société poursuit une logique commerciale lui permettant de valoriser une partie de ses volumes sur des marchés offrant une meilleure rentabilité.
Depuis la fin 2024, la raffinerie a multiplié les expéditions à destination du Cameroun, du Ghana, de l’Angola et de l’Afrique du Sud, parfois par l’intermédiaire de négociants internationaux comme Trafigura et Vitol. Le vice-président du groupe, Devakumar Edwin, avait alors identifié l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud comme des axes d’exportation stratégiques à moyen terme.
Capacité, contraintes et arbitrages commerciaux
En juin 2025, les exportations d’essence de la raffinerie ont culminé à environ 90 000 b/j, avec des envois vers Oman, Singapour et la Malaisie. Toutefois, plusieurs pannes techniques et des opérations de maintenance sur l’unité de craquage catalytique fluide résiduelle (RFCC) ont entraîné des baisses de production, limitant les volumes disponibles à l’export.
Par ailleurs, dans le cadre d’un accord de troc entre le gouvernement nigérian et la raffinerie, baptisé « naira-for-crude », l’entreprise reste tenue de fournir une part fixe de sa production au marché local. Cette obligation pourrait freiner l’expansion des exportations à court terme, malgré la volonté affichée de maximiser les marges sur les marchés étrangers.
Les États-Unis, un marché opportuniste mais contraint
Le marché américain, qui a importé environ 630 000 b/j d’essence au deuxième trimestre 2025, pourrait devenir un débouché stratégique pour la production nigériane. La flexibilité réglementaire sur les teneurs en soufre, avec une limite moyenne de 10 ppm mais des tolérances ponctuelles plus élevées, permet d’intégrer des cargaisons comme celle expédiée par Dangote.
En avril, la reconduction de l’autorisation de vente des mélanges E15, contenant jusqu’à 15 % d’éthanol, a également permis l’entrée de carburants à teneur plus élevée en soufre via des procédés de dilution. Les raffineurs africains bénéficient ainsi d’un accès facilité à un marché exigeant, mais potentiellement lucratif à court terme.