La raffinerie Dangote au Nigeria, l’une des plus grandes installations de transformation de pétrole brut en Afrique, a récemment annoncé son intention d’exporter une partie de sa production d’essence. Cette décision marque un tournant dans la stratégie de la raffinerie, initialement conçue pour répondre aux besoins du marché intérieur. En raison de l’augmentation des prix du carburant et de la baisse de la demande locale, la raffinerie se retrouve contrainte de chercher des acheteurs à l’international.
La raffinerie Dangote, avec une capacité de 650 000 barils par jour, avait pour mission de réduire la dépendance du Nigeria aux importations de carburant. Cependant, depuis le début de la production d’essence en septembre, la hausse des prix de détail a rendu l’achat de carburant difficile pour les consommateurs locaux, entraînant une baisse de la demande. En octobre, le prix à la pompe a subi une augmentation de près de cinq fois par rapport à l’année précédente, ce qui a intensifié les inquiétudes sur la capacité des Nigérians à supporter un tel coût.
La première tentative d’exportation annulée
Début novembre, la raffinerie a tenté de lancer sa première offre d’exportation en émettant un appel d’offres pour 40 000 tonnes d’essence. Cependant, cette offre a été rapidement annulée en raison de pressions locales. D’après des sources proches de l’industrie, la décision de rétracter l’offre aurait été motivée par des réactions mitigées du public et des autorités, le projet Dangote étant perçu comme un moyen de garantir la sécurité énergétique du Nigeria avant tout.
Malgré cette annulation, la raffinerie confirme qu’elle dispose des stocks nécessaires pour débuter l’exportation de plus de 200 000 tonnes d’essence, avec des destinations potentielles en Afrique de l’Ouest et dans les Caraïbes, où des partenaires commerciaux ont exprimé leur intérêt.
Qualité et compétitivité du carburant
La raffinerie produit désormais un carburant avec une teneur en soufre inférieure à 50 parties par million (ppm), une amélioration significative par rapport aux normes précédentes de 500 ppm encore courantes au Nigeria en 2023. Cette amélioration qualitative devrait théoriquement permettre à la raffinerie de concurrencer les importations européennes et d’attirer des clients régionaux, notamment au Ghana, où les standards sont similaires.
Le marché ouest-africain, ainsi que certaines destinations dans les Caraïbes, ont été identifiés comme des débouchés potentiels pour cette essence de meilleure qualité. Lors de la Semaine africaine de l’énergie, le PDG de l’Autorité nationale du pétrole du Ghana, Mustapha Abdul-Hamid, a évoqué la possibilité d’importer du carburant de la raffinerie Dangote, soulignant le potentiel de réduction des coûts par rapport aux approvisionnements européens.
Un avenir incertain pour le marché domestique
Avec une production locale d’essence encore loin de répondre à la demande nationale, la décision de la raffinerie Dangote de se tourner vers les exportations soulève des questions. L’État nigérian, par le biais de l’entreprise publique NNPC, continue d’importer du carburant à moindre coût, affectant la compétitivité de Dangote sur son propre marché. La raffinerie a d’ailleurs dénoncé ces importations, affirmant que la qualité inférieure de certains produits importés nuit à ses ventes locales.
Des discussions sont en cours pour établir des partenariats de long terme avec des acteurs des Caraïbes, comme le montrent les récentes rencontres entre le groupe Dangote et des représentants de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Ces négociations devraient permettre à Dangote d’étendre ses activités commerciales à des régions où l’accès à des produits pétroliers de qualité est limité.
En somme, la stratégie d’exportation de la raffinerie Dangote reflète un repositionnement face à la conjoncture difficile du marché nigérian, marqué par une hausse des prix et une concurrence exacerbée. Il reste à voir si cette stratégie parviendra à garantir une stabilité économique pour l’entreprise et à satisfaire les attentes de ses investisseurs.