La production décentralisée d’énergie est de plus en plus privilégiée par les entreprises au Mexique. Le pays a récemment réformé son secteur de l’électricité, bloquant de fait les grands projets solaires. Cette réforme a ainsi poussé les entreprises à trouver des solutions afin de respecter leurs engagements environnementaux.
Les projets à plus petite échelle permettent d’offrir une alternative aux entreprises qui souhaitent réduire leurs émissions de CO2, tout en évitant les conflits avec les régulateurs mexicains.
Contourner la réforme mexicaine de l’énergie
Effectivement, les projets solaires de moindre envergure ne subissent pas une réglementation aussi contraignante que les grands projets solaires. Les projets solaires de production décentralisée, ou « DG », ne dépasse pas le seuil de 500 kW. Ce qui leur permet tout de même d’alimenter en énergie environ 200 foyers.
Au Mexique, deux entreprises se sont particulièrement tournées vers cette production décentralisée. Il s’agit de Grupo Bimbo, un producteur de pain, et de ENGIE.
Andres Friedman, directeur général de la start-up Solfium, déclare à propos des entreprises s’étant tournées vers la production décentralisée:
« Les entreprises ont dit : « Ça y est, nous allons être maîtres de notre destin avec la production décentralisée. Nous pouvons le faire immédiatement ». »
Cependant, les projets solaires de DG ne peuvent assurer l’entièreté des besoins énergétiques de ces entreprises. En fait, seuls 10% à 20% des besoins sont couverts par la production d’énergie solaire décentralisée. Malgré cela, les productions décentralisées sont pourtant la seule alternative d’énergie propre disponible au Mexique.
Par sa nouvelle réforme de l’énergie, le Mexique a choisi de privilégier les combustibles fossiles plus longtemps que prévu. Toutefois, plusieurs analystes pensent que le Mexique ne réussira pas sa transition énergétique grâce aux seules DG, même si ces derniers observent une forte croissance.
Même si sa production énergétique est limitée, la DG présente plusieurs avantages non négligeables pour les entreprises au Mexique. Par exemple, la production décentralisée ne nécessite pas de permis de production. De plus, comparé aux grands projets, le temps d’approbation ne requiert pas plus de quelques semaines.
La production décentralisée pourrait bénéficier de ces avantages encore un moment. Du moins, les analystes ne prévoient pas, pour l’instant, de modifications dans la réglementation liée aux DG.
Une réforme controversée
La politique énergétique que mène actuellement le Mexique est très controversée. Effectivement, la transition énergétique en a été retardée de sept ans par rapport au précédent engagement pris par le pays. Initialement, le Mexique devait produire 35% de son énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2024. Néanmoins, le dernier plan de développement de l’électricité (2022-2036) reporte l’échéance à 2031.
La réforme de l’énergie mexicaine passe aussi par une volonté d’assurer un plus grand contrôle sur le secteur de l’électricité. En raison de cela, des tensions entre le Mexique, les États-Unis et le Canada ont émergé.
Les États-Unis estiment que la volonté du président mexicain, M. Lopez Obrador, de renforcer le contrôle de l’État sur le marché de l’énergie mettrait en péril les entreprises américaines. Par ailleurs, les États-Unis ont demandé des pourparlers avec le Mexique afin de régler le différend.
Le renforcement du contrôle de l’État sur l’énergie fait aussi craindre pour le développement de projets d’énergie renouvelable d’ampleur. À ce titre, neuf grands projets de plus de 1.000 MW attendent toujours l’autorisation de l’organisme chargé de réglementer l’énergie dans le pays.
Même les projets déjà concrétisés rencontrent des problèmes avec les autorités mexicaines. Iberdrola en a par exemple récemment payé les frais. L’entreprise espagnole, qui possède un parc éolien de 100 MW, n’a pas obtenu son permis de production.
La production décentralisée, un secteur en croissance
Pour certaines sociétés, la production décentralisée apparaît comme la seule option possible pour s’alimenter en énergie.
Valentina Izquierdo, analyste chez Wood Mackenzie, explique:
« À l’heure actuelle, au Mexique, les clients commerciaux et industriels n’ont pas d’autres options, ce qui a poussé davantage de clients vers le marché de la production décentralisée. »
Certaines entreprises aimeraient notamment pouvoir se tourner vers des sources d’énergie renouvelables plus importantes. Cependant, les orientations énergétiques actuelles du Mexique poussent les entreprises à se tourner vers la production décentralisée.
C’est notamment le cas d’Enlight, une entreprise mexicaine spécialisée dans l’énergie solaire. Enlight a ainsi préféré se tourner vers les DG afin de respecter les engagements pris en termes d’ESG.
Oscar Garcia, directeur de la croissance pour Enlight, commente:
« Il y a eu une forte croissance pour ce type de clients, pour certaines industries spécifiques qui ont des objectifs de décarbonation très agressive, comme l’industrie automobile. »
Le secteur des DG est de ce fait en pleine expansion au Mexique. Selon les experts de ce secteur, les investissements ont dépassé les 3,5 milliards de dollars depuis huit ans. De surcroît, 500 millions de dollars supplémentaires devraient contribuer à l’investissement dans le secteur d’ici la fin de l’année.
Malgré une forte croissance, la production décentralisée au Mexique reste moins importante que celle de la Colombie ou du Brésil. Certains partis politiques mexicains, comme le PVEM, souhaitent faire adopter des mesures pour encourager la production décentralisée. Nayeli Arlen Fernandez Cruz, députée PVEM, a notamment proposé de reculer le seuil autorisé à 1 MW.
Finalement, la production d’électricité à partir de sources renouvelables reste un secteur en pleine croissance. En 2036, le Mexique disposera de 16.500 MW issus des énergies renouvelables, soit une augmentation de 725%.
Illustration par Kintu Bhandari