La production pétrolière de la Libye a augmenté à 1,23 million de barils par jour en mai, son plus haut niveau mensuel depuis douze ans. Cette hausse mensuelle de 30 000 barils par jour intervient après une période marquée par d’importantes perturbations liées à un conflit autour du contrôle de la Banque centrale libyenne fin 2024, qui avait alors divisé par deux la production du pays. La reprise actuelle de la production libyenne est notamment portée par le retour d’entreprises internationales et la remise en service de champs pétroliers restés fermés pendant plusieurs années.
Instabilité persistante à Tripoli
Malgré ce rebond remarquable, le secteur pétrolier libyen reste confronté à des défis majeurs liés à l’instabilité politique et sécuritaire persistante. Le contrôle des infrastructures pétrolières est partagé entre plusieurs factions politiques rivales, situées à l’est et à l’ouest du pays, provoquant régulièrement des perturbations. Le récent assassinat d’Abdul Ghani al-Kiklii, surnommé Gheniwa, figure influente d’une milice locale, a accentué l’incertitude sécuritaire, entraînant des menaces de la faction orientale de décréter à nouveau la force majeure sur les champs et les ports pétroliers.
Toutefois, les tensions actuelles n’ont pas encore affecté directement les infrastructures pétrolières ni le niveau de production global. La Compagnie nationale de pétrole (National Oil Corporation, NOC) a récemment démenti les rumeurs selon lesquelles son siège à Tripoli aurait été attaqué par des hommes armés, indiquant plutôt qu’il s’agissait d’un incident mineur lié à une querelle personnelle. Malgré cela, le camp dirigé par Khalifa Haftar, influent à l’est, continue d’évoquer la possibilité de relocaliser le siège de la NOC dans une ville jugée plus sécurisée.
Exportations en hausse et enjeux logistiques
Parallèlement à la hausse de la production, les exportations de pétrole brut libyen ont atteint un pic pluriannuel, s’élevant à 1,26 million de barils par jour. Les principaux acheteurs du brut libyen restent l’Italie, la France, les États-Unis et la Chine. En raison de l’état vétuste de ses raffineries domestiques, la quasi-totalité du pétrole brut libyen est destinée à l’exportation, limitant les capacités nationales de raffinage à environ 90 000 barils par jour, principalement concentrées à la raffinerie de Zawiya.
Le pays a récemment cessé un système d’échange direct de brut contre des produits raffinés importés, un changement intervenu en mars dernier. Cependant, des difficultés de paiement persistent, provoquant des goulots d’étranglement dans les ports libyens, avec pour conséquence potentielle des pénuries de carburant susceptibles d’engendrer des troubles civils.
Perspectives de développement futur
Dans un contexte aussi volatile, la Libye poursuit néanmoins ses ambitions d’augmenter sa production pétrolière. Le pays organise actuellement son premier appel d’offres depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011 et ambitionne d’atteindre une production quotidienne de deux millions de barils d’ici à 2028. Cet objectif ambitieux souligne les enjeux économiques majeurs pour la Libye, dont environ 93 % des dépenses publiques proviennent des revenus du secteur pétrolier.
La situation libyenne demeure un cas unique, où des performances pétrolières records coexistent avec une instabilité politique et sécuritaire chronique. Ce paradoxe interpelle les observateurs du marché pétrolier quant à la viabilité à long terme d’une telle dynamique de production dans un contexte aussi incertain.