Peter Szijjarto, chef de la diplomatie hongroise, se rend en Russie pour rencontrer le PDG de Gazprom, Alexeï Miller. Cette visite s’inscrit dans le cadre de la stratégie énergétique de la Hongrie, qui reste alignée sur Moscou malgré les pressions de l’Union européenne pour diversifier les approvisionnements et réduire la dépendance vis-à-vis de la Russie. La Hongrie justifie cette démarche par des nécessités énergétiques et économiques, alors que d’autres États membres de l’UE s’efforcent de trouver des alternatives.
Un choix stratégique pour l’approvisionnement en gaz
La Hongrie dépend fortement du gaz russe pour ses besoins énergétiques. Cette dépendance est assurée en grande partie par le gazoduc TurkStream, qui passe sous la mer Noire, traverse la Bulgarie et la Serbie, et atteint la Hongrie. Ce gazoduc, avec son prolongement Balkan Stream, est essentiel pour les livraisons de gaz à Budapest. Malgré les initiatives européennes visant à réduire la part du gaz russe dans le mix énergétique, Budapest continue de privilégier cette voie pour assurer sa sécurité énergétique.
Une partie des approvisionnements hongrois transite également par l’Ukraine, mais l’accord de transit actuel expire le 31 décembre 2024. Kiev a déjà annoncé son intention de ne pas renouveler cet accord, ce qui pourrait affecter le flux de gaz russe vers la Hongrie. Cette situation crée un climat d’incertitude quant à la continuité de ces approvisionnements, poussant Budapest à renforcer ses liens avec Gazprom pour sécuriser d’autres sources ou accords bilatéraux.
Blocage des importations de pétrole par l’Ukraine
La question des importations d’hydrocarbures ne se limite pas au gaz. La Hongrie importe également une quantité significative de pétrole via l’oléoduc Droujba, un canal crucial qui a été partiellement bloqué par l’Ukraine. Cette infrastructure transporte environ un tiers des importations pétrolières de la Hongrie, et le blocage a été vivement critiqué par Budapest, qui considère cette action comme une atteinte à sa souveraineté énergétique. Les responsables hongrois qualifient cette interruption de « décision inacceptable » et continuent de plaider pour une reprise complète des livraisons.
Ces tensions avec Kiev s’inscrivent dans un contexte plus large de désaccords sur la gestion des flux énergétiques entre l’Europe centrale et orientale et la Russie, avec la Hongrie adoptant une position distincte. Peter Szijjarto, décoré en 2021 par la Russie pour son engagement envers les relations bilatérales, illustre cette posture hongroise en se rendant régulièrement à Moscou depuis le début du conflit en Ukraine.
Les conséquences sur les relations intra-européennes
Cette position hongroise ne manque pas de susciter des tensions au sein de l’Union européenne. Alors que la plupart des États membres soutiennent les sanctions économiques contre la Russie et cherchent à se détacher de son influence énergétique, Budapest adopte une voie différente. Viktor Orban, Premier ministre hongrois, amplifie ces divisions avec ses initiatives, telles que sa rencontre récente avec Vladimir Poutine, sans concertation préalable avec les autres dirigeants européens, malgré la présidence tournante du Conseil de l’UE que la Hongrie assure actuellement.
Pour l’Union européenne, la posture de la Hongrie complique les efforts pour maintenir une politique énergétique unifiée et réduire la dépendance vis-à-vis des ressources russes. La position de Budapest est perçue comme un obstacle à l’harmonisation des stratégies énergétiques européennes, notamment en ce qui concerne la transition énergétique et la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement.
Perspectives énergétiques et diplomatiques pour la Hongrie
Face à la pression croissante de ses partenaires européens et aux incertitudes géopolitiques, la Hongrie est confrontée à un dilemme stratégique. D’une part, elle souhaite garantir un approvisionnement énergétique stable et abordable en maintenant des relations solides avec Gazprom. D’autre part, elle doit naviguer avec prudence au sein de l’UE pour éviter l’isolement politique et économique. La capacité de Budapest à équilibrer ces exigences contradictoires sera cruciale dans les mois à venir, surtout à l’approche de la fin du contrat de transit avec l’Ukraine.
En définitive, la Hongrie mise sur une stratégie pragmatique, centrée sur la sécurité énergétique, tout en s’exposant à des critiques au sein de l’Union européenne. Les prochaines évolutions des relations entre Kiev, Moscou et Bruxelles détermineront en grande partie les options futures de Budapest, tant sur le plan énergétique que diplomatique.