La fusion nucléaire à usage civil vient de franchir une nouvelle étape ce 24 décembre. En effet, la Corée du Sud a réussi à contenir un plasma à plus de 100 millions de degrés pendant plus de 20 secondes. Très prometteuse pour l’environnement, plus sûre que la fission nucléaire, la technologie qui fait battre le cœur des étoiles pourrait-elle être la solution pour un mix énergétique décarboné ? À l’heure des records, un état des lieux de l’avancement des projets de fusion nucléaire est nécessaire.
Les dernières avancées techniques encourageantes en fusion nucléaire
Le nouveau projet américain SPARC
En septembre dernier, des chercheurs du MIT affirment être capable de développer, en théorie, un réacteur de fusion nucléaire plus petit, moins chère et plus efficient que ceux existant. Ce réacteur nommé SPARC pourrait maintenir les conditions de chaleur et d’énergie nécessaires à la fusion. Et ce, assez longtemps pour extraire de l’énergie dès la fin de la décennie.
La communauté scientifique spécialiste du plasma s’enthousiasme.
La fusion nucléaire, un procédé pas si nouveau
D’autant que la technologie est connue depuis longtemps, car les tokamaks (non générique des réacteurs à fusion) sont en développement depuis les années 1960 grâce aux travaux de physiciens soviétiques.
Le procédé est simple. On fusionne des atomes de deutérium et de titrium (deux isotopes d’hydrogène) dans un état plasma pour créer de l’hélium et des neutrons. Ce sont de ces neutrons que l’on extrait de l’énergie.
Néanmoins, pour atteindre un état de fusion nucléaire des atomes, ceux-ci doivent être chauffés à plus de 100 millions de degrés. Or actuellement, aucune technologie, aucun matériel n’est capable de résister à cette chaleur. Ne serait-ce même qu’assez longtemps pour égaliser le rapport entre énergie extraite et énergie injectée.
Le « soleil artificiel » KSTAR sud-coréen
La Corée du Sud a malgré tout réalisé ce 24 décembre un exploit avec son tokamak KSTAR. Les ingénieurs ont en effet su maintenir un état plasma plus de 20 secondes à plus de 100 millions de degrés. Un record. Depuis août dernier, 110 tests furent nécessaires pour dépasser leur ancien record de 2019 qui s‘établissait à 8 secondes.
Cette performance encourageante fut possible grâce à l’expérimentation d’un nouveau moyen de contenir le plasma. Les Sud-coréens ambitionnent maintenant de maintenir un plasma à plus de 100 millions de degrés pendant plus de 300 secondes. Et ce, d’ici 2025.
La Chine allume son Tokamak HL-2M
En parallèle, les Chinois ont réussi à mettre en route début décembre leur plus grand réacteur de fusion jamais construit. Il est capable d’atteindre des températures de plasma de plus de 150 millions de degrés. Il devrait en ce sens être en mesure de se décliner en version plus petite puisqu’un projet de ce genre est en cours auquel participe la France.
Un autre projet chinois titanesque est en cours : le CEFTR. Ce tokamak devrait atteindre une capacité d’extraction de 1000 MW, soit 2 fois la puissance prévue de l’ITER européen.
Les startups s’y mettent
Le secteur privé investit également le marché, promettant des réacteurs plus petits, plus efficaces et beaucoup moins chers. En ce sens, la start-up britannique Tokamak Energy promet des réacteurs qui ne coûteraient, à terme, que 1 million de dollars pour leur fabrication. Loin, très loin des 20 milliards d’euros qu’a déjà coûté le projet de super réacteur européen ITER. En parallèle, certains sceptiques se manifestent.
La fusion nucléaire dans le mix énergétique : la « new clean energy »
La problématique de sûreté nucléaire
Le Docteur Paul Dorfman, associé honoraire senior de recherche à l’University College London, dans une interview chez Modern Diplomacy déclare que « le coût du renouvelable est une fraction du coût du nouveau nucléaire ». Cela serait dû à ses prétendues mauvaises performances écologiques et économiques. Paul Dorfman pointe, en particulier, les installations nucléaires côtières de plus en plus vulnérables à cause de la montée des eaux à venir.
Pourtant, la fusion nucléaire est un processus bien différent du processus de la fission. En termes de sûreté, les catastrophes comme celles de Tchernobyl ou de Fukushima semblent impossibles puisque les procédés de fusion n’empruntent pas aux procédés de fission qui ont permis ces catastrophes.
Les avantages écologiques
En termes de ressources, pas besoin d’extraction coûteuse et dangereuse de combustibles, donc pas de déchets, ou très peu, et d’une durée de vie bien inférieure aux combustibles utilisés pour la fission. Le chercheur Daniel Jassby du Princeton Plasma Physic Lab est lui plutôt sceptique, relevant que le tritium doit être produit artificiellement, ce qui demande une quantité colossale d’énergie.
Enfin, la fusion nucléaire ne dégage que de l’hélium, un gaz qui ne participe pas à l’effet de serre. En ce sens, l’Agence Internationale de l’Énergie préconise le nucléaire dans le mix énergétique, à la condition que la technologie s’améliore, notamment en matière de fission.
La fission à encore de beaux jours devant elle
Pour l’heure la fission n’est pas prête d’être mise à l’arrêt. En l’état de la technologie de fusion nucléaire, la fission peut espérer de nombreux rebonds technologiques avant d’être dépassée.
En revanche, les avancées technologiques, comme celle effectuée par le KSTAR coréen, encouragent l’investissement dans la fusion qui serait propice pour lutter contre le dérèglement climatique. Pour Robert Mumgaard, PDG du Commonwealth Fusion System qui finance le projet SPARC, « nous avons ces problèmes (écologique) à cause de la technologie, mais avec la fusion nous avons une grande opportunité de résoudre cette situation grâce à la technologie ».