La plus forte inflation enregistrée en juillet en France depuis 37 ans avec 6,1% est aussi l’une des plus faibles d’Europe. Pourquoi le pays s’en sort-il mieux que ses voisins ? Explications.
Ce que disent les chiffres. Ils donnent un avantage clair à la France. Selon l’indice harmonisé IPCH d’Eurostat qui permet les comparaisons en Europe, l’inflation y a été de 6,8% en juillet. Seule Malte fait mieux en zone euro avec 6,5%, pendant que l’Allemagne a enregistré 8,5%, l’Italie 8,4%, et l’Espagne 10,8%.
La situation est très hétérogène sur le continent: plus de la moitié des 19 pays de la zone euro subissent une inflation à deux chiffres, à l’instar des Pays-Bas (11,6%) quand ce n’est pas une explosion pure et simple comme en Estonie et en Lettonie avec 22,7% et 21%.
Le principal responsable de la hausse des prix est l’énergie qui a pris quasiment 40% sur un an, constate Eurostat, conséquence directe de l’invasion russe en Ukraine et d’une forte reprise économique post Covid-19 auparavant.
Les boucliers protecteurs français
“La France a été un des tout premiers pays à agir” contre la hausse des prix, remarque auprès de l’AFP Hélène Baudchon, responsable de l’équipe OCDE au sein de la recherche économique de BNP Paribas.
Devant la flambée observée dès l’automne 2021, le gouvernement a imposé en novembre un blocage des prix du gaz et un plafonnement à 4% des prix de l’électricité, sous le nom de bouclier tarifaire.
D’autres mesures ont suivi, remise à la pompe, indemnité inflation… dont le coût total a été évalué à 45,5 milliards d’euros par le gouvernement dans son programme de stabilité présenté en juillet.
Un résultat payant, selon les derniers calculs de l’Insee: les mesures ciblées contre la hausse des prix de l’énergie ont freiné la hausse de l’inflation de 1,5 point en avril et de 2 points en mai.
Le Fonds monétaire international a lui aussi adressé ces derniers jours un satisfecit à la France. Une note de travail montre que les dépenses supplémentaires pour les ménages français cette année augmenteront moins que pour l’ensemble de ses voisins européens, à l’exception de la Hongrie.
L’institution de Washington constate aussi que ces dépenses supplémentaires affecteront quasiment de la même manière les 20% des plus riches et les 20% les plus pauvres, bien loin de ce qu’elle anticipe pour une partie de l’Europe dont l’Italie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
Une structure de consommation favorable
La flambée des prix du pétrole et du gaz a moins touché la France car elle dispose de l’électricité provenant du nucléaire: le pétrole et le gaz naturel représentaient 45% de ses besoins contre 41% pour l’atome en 2020.
Parallèlement, l’Allemagne dépendait à plus de 60% des hydrocarbures, l’Espagne à plus des deux tiers, et l’Italie à 73%, d’après Eurostat. Les composantes de l’indice d’inflation en France montrent aussi que l’énergie pèse moins que chez ses voisins: à 10,3%, contre 12,1% en Allemagne ou 14,5% pour la Pologne.
Logiquement, lorsque les prix de l’énergie augmentent, cela joue moins sur les statistiques françaises. Est-ce durable ?
“Jusqu’à un certain point, l’utilisation de l’outil budgétaire pour contrer l’inflation a une logique”, relève auprès de l’AFP Philippe Martin, président du Conseil d’analyse économique, remarquant que la France en profite pour gagner en compétitivité.
“Mais cela n’a de sens que si l’inflation est temporaire car le coût budgétaire peut devenir énorme”, tempère-t-il, précisément au moment où le gouvernement veut montrer son sérieux budgétaire à Bruxelles.
Le gouvernement espère une accalmie des prix d’ici à la fin d’année et l’issue de son bouclier tarifaire.
“Si le choc se prolonge, ce qu’il faut recalibrer c’est le ciblage” vers les plus modestes et vers les prix de l’énergie, alors qu’actuellement les dispositifs visent une population large, préconise Hélène Baudchon.
La question pourrait devenir d’autant plus pressante que la France subit actuellement une très forte hausse des prix de l’électricité sur les marchés en vue de l’hiver prochain par rapport à ses voisins, au moment où la moitié de ses 56 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt à cause d’opérations de maintenance ou de problèmes de corrosion.