La France a accumulé en 30 ans « un retard considérable » dans sa capacité à couvrir ses besoins en énergie, notamment en électricité, conclut une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, appelant à un sursaut et une nouvelle programmation sur 30 ans.
Dans un rapport présenté jeudi, fruit de 88 auditions aux allures de psychothérapie de groupe au coeur d’un hiver marqué par l’insuffisante production du parc nucléaire, la commission « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » fait le procès de ce qu’elle qualifie de « lente dérive » et de « divagation politique, souvent inconsciente et inconséquente » depuis le milieu des années 1990.
« Nous nous trouvons donc aujourd’hui face à un mur énergétique inédit », estiment ainsi le rapporteur de la majorité Antoine Armand et son collègue LR, le président de la commission Raphaël Schellenberger, après 150 heures de travail et de questions aux responsables des choix énergétiques français des trois dernières décennies.
Experts, scientifiques, dirigeants d’entreprises et d’organismes de régulation, hauts fonctionnaires, anciens ministres, et même deux présidents de la Républiques, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont été passés sur le grill depuis le 2 novembre. Le rapport, qui retient six grandes erreurs passées, formule 30 recommandations, la plupart largement à l’appui de la relance nucléaire annoncée par l’exécutif, mais aussi en faveur de l’hydroélectricité et du développement des réseaux de chaleur.
« Au fil des trente dernières années, notre mix énergétique a finalement peu évolué et ses fragilités se sont accrues », selon le rapport. Il pointe des « dépendances multiples aux énergies fossiles importées (gaz et pétrole, NDLR) qui se raréfient et s’épuiseront à l’horizon de quelques décennies ». Il critique aussi le « très faible développement des moyens de maîtrise de la demande » consistant à consommer moins. Les « prévisions de consommation électrique demandées à RTE », l’entreprise gestionnaire du réseau haute tension, ne couvrent « que le court ou moyen terme, sans lien avec les objectifs climatiques pourtant bien connus, ni avec le temps long que requiert l’industrie du secteur énergétique », écrivent également les auteurs. Ils y voient d’ailleurs un des facteurs qui ont conduit à « avoir sous-estimé nos besoins d’électricité » et avoir manqué de « réflexion de long terme sur nos ambitions industrielles et climatiques ».
Ils prônent donc, parmi leurs 30 propositions, une « loi de programmation énergie climat sur 30 ans avec des objectifs climatiques, énergétiques et industriels ainsi que les moyens afférents, qui fera l’objet d’un suivi étroit et régulier par le Parlement et les institutions expertes ». Ils demandent aussi une « transparence accrue » et une meilleure anticipation de la part d’EDF, alors que le parc nucléaire est fragilisé par des phénomènes de corrosion de la tuyauterie de certains réacteurs et doit passer le cap des 50 ans d’âge.