Le développement de la filière hydrogène, considéré comme un levier stratégique pour décarboner les secteurs industriels et de transport, fait face à des défis persistants. Lors du salon Hyvolution, organisé à Paris avec 530 exposants internationaux, les acteurs du secteur ont présenté des avancées prometteuses, mais aussi souligné des blocages qui freinent leur montée en puissance.
Un écosystème en quête de capitaux
En France, les efforts pour structurer la filière industrielle se multiplient, notamment avec le développement de giga-usines d’électrolyseurs et des projets de mobilité comme les taxis à hydrogène ou des véhicules utilitaires. Cependant, ces initiatives restent insuffisantes pour enclencher un véritable changement d’échelle.
Selon Philippe Boucly, président de France Hydrogène, « les soutiens budgétaires prévus à la production se font attendre », tout comme la révision de la stratégie nationale sur l’hydrogène. À l’échelle européenne, seulement 3 % des projets annoncés en 2024 ont obtenu un feu vert final pour l’investissement, d’après une analyse du cabinet EY. Cela représente une production de 300 000 tonnes d’hydrogène décarboné, loin des 10 millions de tonnes prévues par l’Union européenne d’ici 2030.
Des infrastructures encore embryonnaires
La compétitivité de l’hydrogène vert reste un sujet central. Le marché est dominé par l’hydrogène gris, produit via le vapo-réformage, une méthode encore largement utilisée mais fortement émettrice de CO2. En 2023, la production mondiale d’hydrogène a entraîné l’émission de 920 millions de tonnes de CO2, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Pour inverser cette tendance, les industriels doivent déployer des infrastructures coûteuses, comme les électrolyseurs et les réseaux d’acheminement, tout en assurant un approvisionnement en électricité bas carbone.
La Chine, ayant pris de l’avance dans la production et l’intégration de ces technologies, constitue une pression supplémentaire pour les acteurs européens. En Europe, le manque de soutien public et les retards dans les autorisations freinent la montée en puissance de la filière.
Quotas et leviers de compétitivité
Une étude récente de l’Institut de Potsdam pour l’impact climatique (PIK) identifie trois obstacles majeurs : des coûts élevés, une réticence des clients à payer un surcoût pour l’hydrogène vert, et des incertitudes sur le niveau des subventions publiques. Pour combler cet écart, certains experts préconisent l’introduction de quotas obligatoires dans des secteurs spécifiques.
Dans l’aviation, par exemple, l’Europe prévoit qu’à partir de 2030, 1,2 % des carburants devront inclure des composants synthétiques basés sur l’hydrogène, avec une progression à 35 % d’ici 2050. Ces quotas pourraient devenir un moteur pour structurer le marché et attirer de nouveaux investissements, mais ils nécessitent une coordination étroite entre régulateurs et industriels.