La filière française des biocarburants, réunissant agriculteurs et industriels, conteste une révision fiscale inscrite dans le projet de budget 2026 qui prévoit de supprimer ou réduire les avantages fiscaux appliqués à certains carburants d’origine agricole. Cette décision, présentée sans concertation préalable selon les professionnels du secteur, entraînerait une hausse de la fiscalité de 380% pour le Superéthanol E85 et de 400% pour le biogazole B100.
Le carburant B100, constitué à 100% de biodiesel produit à partir de colza français, est principalement utilisé dans le transport routier professionnel. L’E85, ou Superéthanol, contient jusqu’à 85% de bioéthanol issu de matières premières agricoles locales telles que la betterave, le maïs ou encore les résidus viniques. Ces produits sont valorisés par les filières agricoles françaises, dont certaines sont confrontées à des cours internationaux inférieurs aux coûts de production.
Les acteurs agricoles redoutent un choc économique
Les organisations professionnelles affiliées à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), ainsi que les représentants des producteurs d’alcool agricole et de biodiesel, alertent sur un risque immédiat pour les exploitations. Plus de 120 000 agriculteurs et 30 000 emplois seraient directement concernés, selon les estimations avancées par les filières, qui considèrent ces agrocarburants comme un débouché stratégique face à la volatilité des marchés.
En parallèle, la transformation des graines de colza et de tournesol permet de produire annuellement plus d’un million de tonnes de tourteaux destinés à l’alimentation animale. Ces sous-produits renforcent l’autonomie protéique du pays, estimée à 55%, contre une moyenne de 30% dans le reste de l’Union européenne. Les représentants du secteur affirment qu’une remise en cause de cette chaîne de valeur pourrait relancer les importations de soja.
Le secteur du transport se joint à la contestation
Des fédérations professionnelles du transport routier telles que l’Union des entreprises de transport et logistique de France (Union TLF), la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) et la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) ont également exprimé leur opposition à la mesure. Dans un communiqué commun, elles pointent une rupture de confiance face à l’instabilité fiscale, pourtant jusqu’alors présentée comme un levier de transition pour leurs flottes.
Ces organisations soulignent que les transporteurs ont investi dans des motorisations compatibles avec les biocarburants, en réponse à des objectifs européens clairement établis. Elles estiment que l’évolution proposée fragilise les efforts d’adaptation déployés par un secteur en mutation, en l’absence de mécanismes compensatoires.
Une filière structurée autour de l’origine française des matières
La spécificité des biocarburants français repose sur leur origine intégralement locale. Le bioéthanol utilisé dans l’E85 est issu de résidus de céréales, de betterave et de déchets viniques, tandis que le B100 dépend exclusivement du colza cultivé sur le territoire. Ces matières premières permettent une valorisation agricole sans dépendance extérieure et offrent un co-bénéfice en matière de sécurité d’approvisionnement.
La remise en cause de ces carburants, selon les acteurs concernés, favoriserait une réorientation vers des carburants fossiles importés, accentuant la dépendance énergétique et affaiblissant les productions locales. La stabilité du cadre fiscal est donc perçue comme essentielle à la pérennité des investissements réalisés par les filières depuis plusieurs années.