La Corée du Sud vient d’approuver la construction des réacteurs nucléaires Shin Hanul 3 et 4 à Uljin, un tournant dans sa stratégie énergétique. Cette décision, prise par la Commission de sûreté et de sécurité nucléaire, marque une rupture nette avec la politique antérieure de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique du pays. Depuis l’arrivée au pouvoir de Yoon Suk Yeol en 2022, l’objectif est clair : augmenter la part de l’énergie nucléaire à 36 % d’ici 2038, contre 30 % actuellement.
Les deux nouveaux réacteurs auront chacun une capacité de 1,4 gigawatt et seront construits par Korea Hydro & Nuclear Power Company, un acteur clé dans le secteur énergétique sud-coréen. Le site choisi pour cette construction, Uljin, abrite déjà plusieurs réacteurs, ce qui en fait l’un des principaux pôles nucléaires du pays. Les autorités assurent qu’aucun risque géologique significatif n’a été identifié, une condition cruciale pour garantir la sécurité des installations.
Changement de cap dans la politique énergétique sud-coréenne
Sous la présidence de Moon Jae-in, la Corée du Sud avait amorcé une sortie progressive du nucléaire, un choix motivé par des préoccupations de sécurité et un engagement accru envers les énergies renouvelables. Cependant, la transition n’a pas été sans conséquence pour le secteur industriel et énergétique. Les nouvelles orientations de l’administration Yoon Suk Yeol visent à pallier les défis de stabilité et de compétitivité énergétique que le pays rencontre, en maintenant un équilibre entre sécurité d’approvisionnement et coûts énergétiques.
L’industrie nucléaire est perçue comme un atout pour soutenir non seulement les besoins énergétiques internes mais aussi pour renforcer la position de la Corée du Sud à l’international. La modernisation des réacteurs, ainsi que le soutien aux technologies de nouvelle génération, telles que les petits réacteurs modulaires (SMR), sont envisagés pour diversifier et solidifier la stratégie énergétique nationale.
Perspectives et enjeux à l’international
L’approbation des réacteurs Shin Hanul 3 et 4 s’inscrit également dans une stratégie plus large de renforcement de la position sud-coréenne sur le marché mondial du nucléaire. Les exportations de technologies nucléaires sont perçues comme un levier stratégique pour l’économie sud-coréenne. Le pays ambitionne de décrocher des contrats de construction de réacteurs à l’étranger, notamment en Europe de l’Est et en Asie du Sud-Est, où la demande en énergie nucléaire reste forte.
Le gouvernement, tout en promouvant ces développements, insiste sur l’importance de normes de sécurité strictes et d’une transparence accrue pour éviter les incidents qui pourraient compromettre sa position sur le marché global. L’arsenal technologique et l’expertise de Korea Hydro & Nuclear Power Company sont des arguments de poids dans la compétition avec d’autres acteurs comme EDF en France ou Rosatom en Russie.
Critiques et opposition interne
Toutefois, cette réorientation politique n’est pas sans contestation. Les groupes de pression internes, tels que Energy Justice Actions, expriment de vives préoccupations quant à la sécurité de la population et la concentration de réacteurs nucléaires dans des zones spécifiques comme Uljin. Avec ces deux nouvelles unités, la ville comptera dix réacteurs, une densité rarement observée à l’échelle mondiale. Selon ces groupes, une telle concentration pourrait augmenter le risque en cas d’incident, malgré les garanties de sécurité avancées par les autorités.
Pour les acteurs du secteur, la réponse à ces critiques est stratégique. Les discussions autour de la gestion des déchets nucléaires, la sécurité des installations, et les impacts potentiels sur les communautés locales sont des éléments clés qui nécessitent une communication rigoureuse et transparente de la part des autorités et des entreprises concernées.
Impact sur le marché énergétique sud-coréen
L’expansion du parc nucléaire pourrait aussi influencer le marché énergétique domestique. L’augmentation de la capacité de production nucléaire pourrait réduire la dépendance vis-à-vis des importations d’énergie fossile et améliorer la balance commerciale. Cependant, l’équation n’est pas simple ; la variabilité des prix des énergies renouvelables, les coûts de construction des infrastructures nucléaires, et les délais inhérents à ces projets influencent également les projections économiques.
Les entreprises de production d’énergie et les investisseurs scrutent de près les décisions du gouvernement. Une clarification sur les futures réglementations et subventions dans le secteur du nucléaire est attendue pour ajuster les stratégies d’investissement. Les acteurs financiers, tant locaux qu’internationaux, évaluent également l’impact potentiel sur le crédit et la réputation de la Corée du Sud dans un contexte où la transition énergétique est observée avec beaucoup d’attention.
La relance du nucléaire en Corée du Sud témoigne d’une volonté de garantir la sécurité énergétique tout en restant compétitif à l’international. Si les défis de sécurité et de rentabilité demeurent, la décision de construire de nouveaux réacteurs à Uljin montre une ambition claire de la part du gouvernement sud-coréen de positionner le pays comme leader dans un secteur énergétique en pleine évolution.