Le ralentissement du surplus pétrolier de la Chine, tombé à environ 570 000 barils par jour en septembre contre plus d’un million en août, traduit un ajustement coordonné entre les achats d’importation et le rythme de transformation des raffineries. Les importations, estimées à 11,5 millions de barils par jour, ont atteint leur niveau le plus faible depuis janvier, tandis que la production domestique est restée stable à 4,32 millions de barils par jour. Cette contraction résulte du décalage entre les cargaisons commandées durant la flambée des prix de juin et l’augmentation du throughput à 15,25 millions de barils par jour, en hausse de 2 % sur un mois.
Repli des importations et dynamique des prix
Les raffineurs chinois ont réduit leurs achats après la hausse du Brent à 81,40 dollars le baril en juin, lors du bref conflit militaire entre l’Iran et Israël, puis face au plafonnement imposé par les autorités de régulation sur les quotas d’importation des raffineries indépendantes. Ce resserrement a permis d’écouler les stocks excédentaires accumulés au premier semestre, tout en stabilisant les marges internes. Depuis, le Brent a reculé de plus de 20 dollars, tombant à 60,14 dollars à la mi-octobre, un niveau historiquement favorable à la reconstitution des réserves commerciales et stratégiques du pays.
Arbitrages géopolitiques et sources d’approvisionnement
La pression exercée par les puissances occidentales sur les achats de brut russe conduit Pékin à réévaluer son panier d’importation. Si la Russie reste le premier fournisseur avec près de 1,9 million de barils par jour, la part du Moyen-Orient, notamment de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, augmente dans les cargaisons arrivées fin septembre. Le renforcement du contrôle européen sur la « shadow fleet », utilisé pour contourner le plafonnement du prix du pétrole russe, accroît la prime de risque sur les barils d’origine sanctionnée et renchérit le fret maritime. Les compagnies de transport chinoises privilégient désormais les Very Large Crude Carriers (VLCC) conventionnels, plus faciles à assurer et à tracer.
Conséquences pour les marges et les flux commerciaux
Les marges de raffinage demeurent favorables pour les grands acteurs comme China Petroleum & Chemical Corporation (Sinopec) et PetroChina Company Limited, qui maintiennent un taux d’utilisation proche de 85 %. Les exportations de diesel et de kérosène ont progressé de 6 % sur le mois, soutenues par la demande régionale en Asie du Sud-Est. La réduction du surplus brut diminue toutefois la flexibilité de court terme du système logistique chinois, alors que la reprise des importations dépendra directement de la stabilité des prix du Brent et des arbitrages d’achat anticipés par les traders d’État.
Risques réglementaires et contraintes logistiques
Les nouvelles directives de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC, Bureau de contrôle des avoirs étrangers des États-Unis) et du Conseil de l’Union européenne sur le plafonnement du prix du brut russe imposent une traçabilité complète des cargaisons et des polices d’assurance. Cette contrainte limite la capacité de certaines maisons de négoce à opérer des mélanges complexes destinés à masquer l’origine réelle des barils. En parallèle, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (OPEC+) prévoient d’alléger progressivement leurs coupes volontaires de production au quatrième trimestre, augmentant la disponibilité mondiale et offrant à la Chine une opportunité d’achat à prix réduit.
Scénario de reconstitution et variables à surveiller
L’expérience passée montre que Pékin renforce ses réserves stratégiques lorsque le Brent se maintient sous 65 dollars. Les capacités de stockage estimées à plus d’un milliard de barils offrent une marge de manœuvre considérable pour absorber les excédents du marché mondial. Si les prix restent bas et que les coûts logistiques se stabilisent, la Chine pourrait redevenir le principal acheteur marginal du marché au cours du quatrième trimestre. Les prochains ajustements de quotas d’importation pour les raffineries indépendantes, prévus d’ici novembre, fourniront un indicateur avancé de cette stratégie.