Le terminal chinois de Beihai, opéré par National Pipeline Network Group (PipeChina), a accueilli sa première cargaison de gaz naturel liquéfié (LNG) en provenance du terminal russe de Portovaya, actuellement sous sanctions américaines. Ce transfert, assuré par le méthanier Valera, met en place une route directe entre deux installations déjà visées par des mesures de gel d’actifs et de restrictions de services par les États-Unis et le Royaume-Uni.
Un corridor de livraison contournant les juridictions du G7
Le terminal de Portovaya, exploité par Gazprom LNG Portovaya LLC, figure sur la liste des entités sanctionnées depuis janvier 2025 dans le cadre des mesures ciblant le secteur énergétique russe. De son côté, Beihai a été intégré aux sanctions britanniques en octobre de la même année, pour son implication dans l’importation de LNG issu de projets également sanctionnés, notamment Arctic LNG 2. En connectant ces deux installations, Moscou et Pékin posent les bases d’un corridor d’approvisionnement énergétique indépendant des infrastructures financières et maritimes occidentales.
Les sanctions occidentales visent à tarir les revenus énergétiques de la Russie en bloquant l’accès aux marchés européens et aux services d’assurance et de transport. Dans ce contexte, la Chine, qui ne reconnaît pas la légalité des sanctions unilatérales non validées par les Nations unies, poursuit ses importations. Pékin a concentré ses flux russes sur Beihai, créant un point d’entrée unique mais compartimenté, éloigné des terminaux plus intégrés aux flux commerciaux globaux.
Une route rallongée aux implications logistiques majeures
Privés de la Route maritime du Nord pendant l’hiver, les méthaniers conventionnels reliant la Russie à l’Asie doivent contourner l’Afrique par le Cap de Bonne-Espérance. Cette extension de trajet réduit la disponibilité globale des navires LNG, accroît les délais de livraison et alourdit les coûts logistiques pour les producteurs russes. Malgré ces contraintes, cette première cargaison marque une tentative de sécurisation de débouchés hors zone euro-atlantique.
L’utilisation croissante de terminaux comme Beihai pourrait également servir de plateforme de revente régionale, si les écarts de prix sur les marchés spot asiatiques le permettent. En parallèle, la construction d’une flotte de transport LNG opérant sous pavillon neutre et sans recours aux services occidentaux est à l’étude par plusieurs acteurs russes.
Pressions croissantes sur les intermédiaires et les chaînes de valeur
Les armateurs et assureurs opérant en dehors des juridictions G7 restent autorisés à assurer le transport vers Beihai, mais toute implication d’un acteur soumis à réglementation britannique ou européenne pourrait entraîner des violations. Le Royaume-Uni prévoit une interdiction progressive des services maritimes liés aux exportations russes vers des pays tiers d’ici 2026, ce qui pourrait limiter les opérations logistiques en Asie si elles impliquent des services sous juridiction occidentale.
Du côté de l’Union européenne, la législation adoptée vise une sortie complète du gaz russe, sous forme liquéfiée ou par pipeline, d’ici la fin de l’année 2027. Cette orientation stratégique renforce le recentrage russe sur les marchés asiatiques, avec une reconfiguration progressive des routes, acteurs et flux de capitaux dans le commerce du gaz naturel.