La Chine pourrait devenir le principal fournisseur asiatique d’essence vers la Russie si cette dernière supprime ses droits d’importation, selon des analystes et des négociants régionaux. Cette décision renforcerait la pression sur l’offre régionale en essence, alors que d’autres fournisseurs d’Asie, notamment Singapour et la Corée du Sud, se tiennent à distance en raison des risques liés aux sanctions.
Selon des recommandations adressées par le vice-premier ministre russe, Alexander Novak, Moscou envisage de supprimer le droit de douane de 5 % sur les importations d’essence provenant de Chine, de Singapour et de Corée du Sud, et de permettre l’utilisation d’additifs moins coûteux afin de pallier une pénurie croissante de carburant. Ces tensions sur le marché intérieur sont alimentées par des stocks bas chez les distributeurs indépendants et les attaques de drones ukrainiens sur les raffineries russes.
Une logistique tournée vers l’Extrême-Orient
Les livraisons seraient probablement orientées vers l’Extrême-Orient russe afin d’éviter les attaques sur les infrastructures maritimes en mer Noire. Le transport vers l’ouest de la Russie par voie ferroviaire reste onéreux, limitant les marges à l’exportation, en particulier dans un contexte de prix intérieurs de l’essence maintenus à des niveaux bas.
Un expert basé à Pékin a indiqué que les entreprises chinoises seraient les mieux placées pour surmonter les barrières liées aux paiements, grâce aux relations commerciales bilatérales existantes et à la disponibilité d’institutions bancaires locales capables de traiter ces transactions en contournant les systèmes financiers occidentaux.
Une dynamique économique contraignante
La Chine n’a pas exporté d’essence vers la Russie depuis plus de dix ans, en raison de l’autosuffisance historique de Moscou en produits pétroliers raffinés. Toutefois, selon les données douanières chinoises, la valeur des exportations globales vers la Russie a atteint $64.77bn sur les huit premiers mois de 2025, soit une baisse de 9.7 % par rapport à la même période en 2024, dans un contexte de sanctions renforcées.
Singapour et la Corée du Sud restent en retrait, les institutions financières des deux pays refusant d’exécuter des paiements vers la Russie en raison des risques juridiques et réglementaires. Un négociant basé à Singapour a affirmé que même en présence de documents de conformité exhaustifs, les banques rechignent à accepter les fonds russes, par crainte d’une inclusion sur les listes de sanctions.
Effets attendus sur le marché asiatique
Les analystes d’Energy Aspects estiment qu’un accroissement des flux d’essence entre l’Asie et la Russie soutiendrait les marges de raffinage de l’Extrême-Orient, et pourrait élargir l’écart est-ouest en renforçant la demande en Afrique de l’Est et au Moyen-Orient pour les cargaisons de l’Atlantique.
La capacité de la Chine à répondre à cette demande reste toutefois limitée par son système de quotas d’exportation de carburants raffinés. Pour 2025, les volumes autorisés s’élèveraient à environ 40.77 millions de tonnes, sans perspective d’augmentation selon les acteurs du marché. Les exportations d’essence chinoise ont été estimées à environ 600 000 tonnes en septembre, un volume similaire étant prévu pour octobre.
Selon Alexander Novak, si les droits d’importation sont levés, la Russie pourrait recevoir mensuellement jusqu’à 350 000 tonnes supplémentaires d’essence et 100 000 tonnes de diesel. Le crack 92 RON FOB Singapour-Dubaï s’est établi à $9/baril en septembre, en hausse par rapport aux $8.17/baril enregistrés en août.