Le Parlement fédéral de Belgique a voté le 15 mai en faveur d’un texte légalisant la prolongation de l’exploitation des réacteurs nucléaires Doel-4 et Tihange-3 jusqu’en 2045. La même loi met fin à l’interdiction de construire de nouveaux réacteurs dans le pays. Le vote a été approuvé par 102 députés, avec huit voix contre et 31 abstentions. Ces réacteurs, respectivement d’une capacité de 1 090 MW et 1 094 MW, devaient initialement être arrêtés d’ici fin 2025, conformément à une loi adoptée il y a plus de vingt ans.
Retour sur deux décennies de blocages
La Belgique avait décidé en 2003, dans le cadre d’un accord de coalition intégrant le parti écologiste Groen, d’interdire toute nouvelle construction nucléaire et de fermer l’ensemble de ses réacteurs avant fin 2025. La fermeture progressive de ces unités a toutefois été retardée à plusieurs reprises, dans un contexte énergétique européen devenu instable depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Les perturbations sur l’approvisionnement en combustibles fossiles et les inquiétudes liées à la sécurité du réseau ont modifié les priorités politiques du pays. En février, la nouvelle coalition au pouvoir avait annoncé son intention de prolonger Doel-4 et Tihange-3 et d’ouvrir la voie à de nouveaux projets. Cette décision est désormais rendue juridiquement contraignante par le vote du 15 mai.
Des positions divergentes chez les opérateurs
Les deux réacteurs sont détenus à 89,8 % par Electrabel, filiale belge du groupe français Engie, et à 10,2 % par Luminus, une filiale du groupe nucléaire public français EDF. Engie et l’État belge avaient conclu en 2023 un accord prévoyant une prolongation jusqu’en 2035, mais Engie a exprimé des réserves sur une exploitation au-delà de cette date.
Vincent Verbeke, directeur général d’Engie, a réaffirmé en janvier 2025 qu’un fonctionnement au-delà de 2035 serait « impensable » pour le groupe. Engie oriente depuis 2021 ses investissements belges vers les énergies renouvelables et le gaz naturel, prenant ses distances avec le nucléaire.
Le nucléaire toujours au cœur du mix électrique belge
Les autres réacteurs belges – Doel-1, Doel-2 et Tihange-1 – restent programmés pour une fermeture définitive d’ici la fin 2025. Cette échéance n’est pas affectée par le texte adopté. Les réacteurs Doel-3 et Tihange-2 ont été arrêtés respectivement en septembre 2022 et janvier 2023.
Selon les données publiées par le Belgian Nuclear Forum (BNF), le nucléaire représentait 55,3 % de la production électrique nationale le 18 mai, contre 27,5 % pour les énergies renouvelables. Mark Nelson, ingénieur nucléaire et directeur du cabinet Radiant Energy Group, basé à Chicago, a qualifié l’ancien plan de sortie du nucléaire de « plus destructeur de l’histoire », ajoutant que cette révision légale serait suivie d’une « bataille difficile » pour assurer la continuité de l’exploitation après 2035.