Les deux réacteurs nucléaires belges dont la durée de vie doit être prolongée de dix ans pour renforcer l’indépendance énergétique seront exploités dans une coentreprise à créer entre l’Etat belge et le groupe français Engie, selon “un accord de principe” annoncé conjointement vendredi.
Les deux parties négocient âprement les conditions de cette prolongation annoncée en mars, sur fond de limitation de la dépendance aux hydrocarbures russes consécutive à la guerre en Ukraine.
Elles comptent aboutir “à un accord définitif d’ici à la fin de l’année et le soumettre à la Commission européenne”, ont précisé vendredi dans un communiqué le Premier ministre Alexander De Croo et la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten.
Pour l’instant, l’État belge et Engie sont convenus “des modalités concernant l’approche future, le timing et le cadre des négociations” en vue de cet accord définitif, soulignent-ils.
Ce cadre prévoit que les réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 -représentant ensemble une capacité nucléaire de 2 GW- “redémarrent en novembre 2026”, sous réserve de l’approbation des autorités de sûreté, après un arrêt pour révision à partir de 2025.
Ils seront gérés par “une nouvelle société à créer”, présentée côté belge comme “une structure stable et durable dans laquelle l’État belge et Engie partagent les risques comme les bénéfices”.
Il s’agit d’”une nouvelle entité dédiée aux deux unités avec une participation de l’Etat belge et d’Electrabel (filiale belge d’Engie, NDLR) à hauteur de 50/50″, précise le groupe français dans un communiqué distinct.
Le gouvernement belge avait annoncé le 18 mars sa décision de repousser de dix ans sa sortie totale du nucléaire qui était prévue en 2025. Le groupe Engie, qui avait jugé cette annonce tardive, faisait comprendre depuis quatre mois à l’État belge qu’il souhaitait un partage de la facture pour faire fonctionner jusqu’en 2035 deux des sept réacteurs qu’il exploite.
Aujourd’hui encore, Engie parle de la “prolongation potentielle de deux unités nucléaires”, disant avoir signé avec l’Etat belge “une lettre d’intention non engageante” sur sa faisabilité.
L’exploitant devrait certes assumer la totalité de la facture du démantèlement ultérieur des centrales, mais Engie évoque “un plafonnement” des coûts liés à la gestion des déchets et du combustible usé hautement radiocatif, ce qui a déjà suscité des critiques, et la crainte qu’un éventuel surcoût soit à la charge du contribuable belge.
Ces coûts de gestion des déchets “seront déterminés après une étude, à l’issue de laquelle les discussions s’engageront autour d’un +cap+ (ou plafond, NDLR) et d’une prime de risque à définir”, ont indiqué de leur côté M. De Croo et Mme Van der Straeten.
Pour le Premier ministre, cet accord avec Engie est “une étape cruciale”, qui “apporte de la stabilité en des temps très, très tourmentés”. “Notre souci est de garantir notre indépendance énergétique”, dont la nécessité a été mise en lumière avec la guerre en Ukraine, “c’est une question de sécurité nationale”, a insisté la ministre de l’Énergie lors d’une conférence de presse.
La promesse d’une sortie progressive du nucléaire est inscrite dans la loi belge depuis 2003 et y renoncer a constitué un revirement pour le parti écologiste (Ecolo-Groen) partenaire de la coalition de M. De Croo entrée en fonctions le 1er octobre 2020.
A l’époque, l’accord de gouvernement réaffirmait cet objectif de fermeture des sept centrales du pays d’ici à 2025.
Selon Engie, un premier réacteur (Doel 3) doit être définitivement mis à l’arrêt fin septembre, un deuxième (Tihange 2) le 1er février 2023, et trois autres progressivement d’ici à 2025.