La Banque européenne d’investissement (BEI) a annoncé le déploiement d’un programme de financement de 2 Mds€ ($2.18bn) sur deux ans, destiné à soutenir des projets liés aux énergies renouvelables et aux infrastructures électriques sur le continent africain. Cette enveloppe est adossée à des garanties publiques fournies par la Commission européenne, dans le cadre du mécanisme de financement extérieur NDICI–Global Europe. Le programme s’inscrit dans la stratégie Global Gateway de l’Union européenne (UE), qui vise à renforcer sa présence économique et politique dans des régions stratégiques.
Un outil de projection de l’influence européenne
La BEI intervient comme bras financier de l’UE dans un contexte de recomposition des influences internationales sur le marché africain de l’énergie. Près de 40 % de ses investissements hors Union sont déjà orientés vers l’Afrique. Le programme annoncé vise à financer des projets critiques dans les domaines des renouvelables, des réseaux électriques et de l’hydrogène vert. Les garanties de la Commission européenne permettent à la BEI d’assumer davantage de risques tout en conservant sa notation de crédit maximale, ce qui abaisse le coût des prêts pour les porteurs de projets.
Des pays cibles sélectionnés selon leur stabilité
Les financements seront concentrés sur des États jugés stables, tels que le Maroc, la Namibie, le Kenya, l’Angola ou l’Égypte, écartant de facto les pays en rupture d’ordre constitutionnel. Cette sélection permet de limiter les risques d’exécution et d’assurer la faisabilité juridique et financière des projets. La BEI travaille en partenariat avec des institutions régionales africaines telles que la Africa Finance Corporation (AFC) et la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (EBID), afin de structurer des montages financiers viables.
Réponse géopolitique aux initiatives chinoises et américaines
L’initiative Global Gateway se positionne en alternative européenne aux grands programmes d’infrastructure menés par la Chine et les États-Unis. Les financements visent à favoriser l’intégration régionale des réseaux et à soutenir la création de corridors énergétiques stratégiques, notamment pour l’exportation d’hydrogène vert. L’Europe cherche ainsi à préserver un accès préférentiel aux molécules décarbonées produites en Afrique, tout en consolidant son rôle dans la gouvernance énergétique du continent.
Structuration technique et effet de levier attendu
Le programme mise sur un effet de levier important : chaque euro mobilisé par la BEI pourrait attirer plusieurs euros d’investissements privés. Les projets seront généralement structurés en partenariats public-privé avec des producteurs indépendants d’électricité, sécurisés par des contrats d’achat long terme. En incluant les réseaux de transport et de distribution, la BEI cible les goulots d’étranglement empêchant l’intégration de nouvelles capacités renouvelables sur les marchés africains.
Effets attendus sur les chaînes de valeur industrielles
Les équipementiers européens pourraient bénéficier d’un regain de compétitivité sur les segments technologiques à forte valeur ajoutée, notamment les réseaux à haute tension et les équipements pour l’éolien. Les standards contractuels et de conformité imposés par la BEI pourraient également structurer les marchés africains en établissant des références pour d’autres bailleurs et investisseurs. Pour les entreprises locales, les exigences de contenu local offrent des perspectives d’intégration industrielle et de transferts de compétences.
Contraintes réglementaires et environnement institutionnel
L’accès au financement est conditionné au respect des normes européennes, notamment en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Cela implique une sélection rigoureuse des projets, et peut entraîner des délais dans la phase de structuration. De plus, les prêts étant majoritairement libellés en devises fortes, les emprunteurs africains sont exposés à des risques de change importants, sans mécanisme automatique de couverture.
Risques politiques et limites du ciblage
L’exclusion des pays instables pourrait renforcer les déséquilibres régionaux en matière d’accès à l’énergie, alors même que les besoins sont les plus importants dans ces zones. Le risque politique, combiné aux défis de gouvernance des opérateurs publics africains, pourrait ralentir le déploiement effectif des projets. La capacité des États bénéficiaires à gérer les montages complexes, incluant garanties, cofinancements et clauses ESG, sera déterminante pour la concrétisation des engagements annoncés.