Le marché mondial du petcoke, produit dérivé du raffinage pétrolier, est actuellement bouleversé par une baisse généralisée des prix. Cette chute est principalement due au retrait de la Chine des importations de petcoke à haute teneur en soufre, un mouvement qui reconfigure les flux commerciaux vers d’autres régions comme l’Inde et la Turquie. Les nouvelles restrictions chinoises sur les produits à forte teneur en soufre, bien qu’encore officieuses, ont eu un impact immédiat sur la demande. En conséquence, le petcoke américain, saoudien et russe se retrouve en excédent sur le marché.
Les acheteurs indiens et turcs ont donc profité de cette opportunité pour négocier des prix plus bas. Les importations de la Turquie ont doublé, atteignant 800 000 tonnes entre août et septembre 2024. L’Inde, de son côté, a réduit ses achats par rapport à la même période l’an dernier, accumulant cependant des stocks suffisants pour le reste de l’année. Selon les données de S&P Global Commodity Insights, le prix du petcoke américain livré en Inde avec une teneur en soufre de 6,5 % est passé sous la barre des 100 dollars la tonne, marquant un plus bas depuis 2020.
Un excès d’offre qui pèse sur les prix
La réorientation des flux vers l’Inde et la Turquie ne compense pas le manque de demande en Chine, principal consommateur de ce produit. Les raffineries américaines et saoudiennes, qui produisent en majorité du petcoke à haute teneur en soufre, subissent une pression accrue pour écouler leurs volumes. Le petcoke saoudien, en particulier, qui contient jusqu’à 9,5 % de soufre, peine à trouver des acheteurs en dehors de l’Inde, où certaines régions restreignent l’usage des produits avec plus de 7 % de soufre.
Les producteurs doivent donc ajuster leurs prix, notamment face à la montée des coûts de transport. En Turquie, la situation est plus favorable : la demande accrue permet de stabiliser légèrement les prix locaux. Cependant, la volatilité demeure élevée, les acheteurs étant conscients de leur pouvoir de négociation dans un marché saturé.
Impacts sur l’industrie cimentière
L’industrie cimentière, grande consommatrice de petcoke, observe cette situation avec intérêt. En Inde, les cimentiers, qui utilisent ce produit comme source d’énergie pour leurs fours, ont retardé leurs achats durant la période électorale et la mousson, ce qui a contribué à la baisse de la demande. Cette décision, combinée à l’accumulation de stocks, freine encore davantage les producteurs de petcoke. En Turquie, les cimentiers ont profité de la chute des prix pour constituer des stocks à bas coût, anticipant une éventuelle hausse liée à la reprise de la construction après l’été.
Toutefois, l’accumulation des stocks pourrait devenir problématique si la demande ne reprend pas rapidement. La concurrence accrue entre les cimentiers, qui cherchent à réduire leurs coûts, pousse à une utilisation plus intense de carburants alternatifs, dont le charbon thermique. Cela exerce une pression sur les prix du petcoke, qui risque de rester sous la barre des 90 dollars la tonne pour les cargaisons livrées en Turquie.
Perspectives et ajustements stratégiques
À court terme, le marché du petcoke est marqué par une incertitude persistante. Les raffineries américaines et saoudiennes, qui peinent à adapter leurs chaînes de production, doivent envisager des ajustements stratégiques. Plusieurs raffineries ont déjà réduit leur production de petcoke à haute teneur en soufre ou cherchent à diversifier leurs débouchés vers des segments industriels moins restrictifs en termes de teneur en soufre.
L’absence de la Chine, même temporaire, laisse un vide que l’Inde et la Turquie ne peuvent combler entièrement. Si la demande de ces pays reste robuste, elle demeure insuffisante pour absorber les volumes excédentaires. Par conséquent, une prolongation de cette dynamique pourrait contraindre certains acteurs à revoir leurs stratégies de production et de commercialisation.