La campagne présidentielle de 2024 place la politique énergétique au cœur des débats en Pennsylvanie, état clé pour les producteurs de gaz naturel. Le gel des nouveaux permis d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL), décrété en janvier 2024 par l’administration Biden, est une mesure électorale visant à apaiser la base écologiste du parti démocrate. Toutefois, cette décision perturbe un secteur où la production de gaz, en grande partie issue de la fracturation hydraulique, génère des volumes considérables pour le marché intérieur et l’exportation.
Les professionnels du secteur attendent désormais de Kamala Harris, candidate démocrate, qu’elle explicite sa politique sur le sujet, notamment sur l’avenir de ce gel des permis. Harris, qui avait soutenu l’interdiction de la fracturation lors de sa campagne de 2020, a depuis nuancé sa position. Si cette flexibilité politique vise à rassembler un électorat modéré tout en ne s’aliénant pas les groupes environnementaux, elle crée une forte incertitude pour les acteurs du marché énergétique, notamment ceux basés en Pennsylvanie, comme EQT Corporation et Devon Energy.
Des décisions politiques attendues sur le GNL
La Pennsylvanie, riche en gaz de schiste, est l’un des moteurs de la production nationale. Les entreprises y exploitent les importantes réserves de la Marcellus Shale grâce à la fracturation hydraulique, une technique controversée mais essentielle à l’extraction de ces ressources. Le gel des nouveaux permis d’exportation de GNL, initialement prévu pour être temporaire, suscite des inquiétudes croissantes parmi les producteurs locaux. Ce gel impacte directement les perspectives d’expansion à l’international, notamment en Europe, qui cherche à diversifier ses approvisionnements énergétiques après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Les exportations de GNL des États-Unis ont en effet explosé ces dernières années, atteignant 356,4 milliards de pieds cubes en juin 2024, contre 109 milliards quatre ans plus tôt, selon l’U.S. Energy Information Administration (EIA). Une part significative de ces exportations est destinée à des alliés européens tels que l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas. Toutefois, l’incertitude actuelle sur les politiques de Harris, si elle venait à être élue, pourrait ralentir cette croissance. L’industrie demande des éclaircissements, notamment en ce qui concerne l’éventuelle levée du gel des permis, élément central pour maintenir la compétitivité des exportations américaines sur les marchés internationaux.
Une industrie en attente de clarté politique
Toby Rice, président-directeur général de EQT Corporation, le plus grand producteur de gaz naturel en Pennsylvanie, souligne que l’impact de ces décisions politiques se fait déjà sentir sur les consommateurs. Selon lui, la situation est paradoxale : alors que les États-Unis regorgent de ressources énergétiques, les factures d’énergie ne cessent d’augmenter. Il attribue cette hausse de 35 % des prix à une demande mondiale soutenue, exacerbée par les incertitudes liées aux décisions politiques. Pour Rice et de nombreux autres dirigeants de l’industrie, il est crucial que la prochaine administration clarifie rapidement sa position sur les exportations de GNL afin de stabiliser le marché.
L’enjeu dépasse largement les frontières américaines. La demande mondiale de GNL continue de croître, et l’U.S. Energy Information Administration prévoit que la capacité d’exportation de l’Amérique du Nord doublera d’ici la fin de la décennie, atteignant plus de 24 milliards de pieds cubes par jour. Si la demande internationale reste forte, les producteurs de gaz naturel doivent s’assurer que les infrastructures et les réglementations permettent de répondre à cette demande sans restrictions inutiles. Dans ce contexte, les décisions prises par l’administration Harris, si elle est élue, seront décisives pour l’avenir du secteur.
Le besoin d’infrastructures pour soutenir l’expansion
Les acteurs du secteur voient dans la construction de nouvelles infrastructures d’exportation, comme un terminal GNL à Philadelphie, une opportunité de dynamiser l’économie régionale et de renforcer la position compétitive des producteurs américains. Actuellement, le gaz naturel extrait de la Marcellus Shale doit être acheminé vers la côte du Golfe du Mexique ou vers le terminal de Cove Point dans le Maryland pour être exporté. Cette logistique complexe augmente les coûts et réduit les marges bénéficiaires, d’où l’importance d’investir dans des solutions locales.
L’avenir du secteur du gaz naturel aux États-Unis dépendra donc en grande partie de la direction que prendra la politique énergétique fédérale après l’élection de 2024. Le gel des permis d’exportation de GNL et les décisions sur la régulation de la fracturation hydraulique seront scrutés de près par les professionnels du secteur, non seulement en Pennsylvanie, mais dans tout le pays. Harris devra concilier les besoins économiques du secteur énergétique avec les attentes des électeurs environnementalistes, ce qui pose un défi politique majeur à quelques semaines de l’élection.