Joe Biden se rend vendredi pour la première fois en tant que président américain en Arabie saoudite. Il espére convaincre Ryad de mettre sur le marché plus de pétrole. Cela dans l’objectif de calmer l’envolée des cours de l’or noir et apaiser l’inflation.
Joe Biden avait estimé avant son élection à la Maison Blanche que l’Arabie saoudite devait être traitée en Etat “paria”. Cette estimation intervenait dans un contexte particulier, celui de l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi. Il avait promis, lors de son arrivée au pouvoir un “recalibrage” des relations avec ce partenaire stratégique de l’Amérique.
Mais depuis, la guerre en Ukraine a éclaté et propulsé les cours du brut à des niveaux plus vus depuis la crise financière de 2008, lorsqu’ils avaient atteint leur records historiques. De quoi inciter le président américain à calmer le jeu et mettre de côté les préoccupations liées aux droits humains.
Pour Craig Erlam, analyste pour Oanda, cette visite met en évidence “le désespoir de Biden à l’approche des élections de mi-mandat, qui souhaite au moins donner l’impression qu’il essaie d’atténuer la tension sur le marché et de faire baisser les prix”. “Aux grands maux les grands remèdes”, abonde-t-il.
L’expiration de l’accord Opep+
“L’expiration de l’accord Opep+ en septembre crée une opportunité” pour le président américain, souligne cependant Craig Erlam.
De fait, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dont l’Arabie saoudite est considérée comme le leadeur, et leurs dix partenaires (Opep+) emmenés par la Russie, avaient laissé volontairement sous terre des millions de barils au plus fort de la pandémie de Covid-19 pour ne pas inonder le marché avec un pétrole qu’il ne pouvait pas absorber du fait des confinements et restrictions sanitaires.
Avec la réouverture de l’économie et le rebond de la demande en brut, l’Opep+ a alors décidé de réduire progressivement ses coupes. Cette décision intervient à la suite d’une stratégie d’augmentation graduelle de son volume total de production.
En théorie, si l’alliance parvient à remplir ses quotas, elle devrait retrouver ses niveaux de production pré-pandémie après le mois d’août. Cela metterait fin à l’accord actuel.
La visite du président américain a donc lieu avant la prochaine réunion de l’Opep+ en août, lors de laquelle un nouvel accord pourrait émerger.
Pas d’ouverture des vannes en vue
“Ce serait une énorme surprise si l’Arabie saoudite produisait plus de pétrole”, lance cependant Stephen Innes, analyste chez Spi Asset Management,
la hausse des cours du brut ayant stimulé les économies du Golfe.
L’Arabie saoudite a enregistré un taux de croissance au premier trimestre, avec une hausse de 9,6% de son PIB. Et ce, grâce au secteur pétrolier.
Pour Walid Koudmani, analyste chez XTB, il s’agit d’une “incitation économique significative à ne pas augmenter la production”. D’autant que le pays semblerait être proche de ses capacités maximales de production.
“Le royaume a fait ce qu’il pouvait”, avait affirmé le ministre des Affaires étrangères de l’Arabie saoudite, le prince Faisal bin Farhan au Forum économique mondial en mai dernier, estimant qu’il s’agissait d’avantage d’augmenter la capacité de raffinage que d’apporter de nouveaux barils sur le marché.
L’obstacle iranien
Reste un autre point de discorde majeur entre les deux nations: l’Iran, ennemi de longue date de l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite est à la tête d’une coalition militaire au Yémen qui soutient le pouvoir face aux Houthis, soutenus par l’Iran.
Washington est engagé dans des négociations avec Téhéran. Les Etats-Unis souhaitent réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien, qui reste pour l’instant au point mort.
Une issue positive des négociations entraînerait la levée des sanctions américaines contre l’Iran. Cela permettrait son retour à pleine capacité d’exportation sur le marché du pétrole.
Des pourparlers indirects avaient eu lieu fin juin à Doha entre les Etats-Unis et l’Iran, par l’intermédiaire de l’Union européenne. Cela, dans l’objectif de tenter de débloquer les négociations lancées en avril 2021 à Vienne pour ressusciter l’accord de 2015.
Selon Walid Koudmani, l’accord “sera probablement abandonné par les États-Unis s’ils reçoivent des assurances de l’Arabie saoudite après la visite du président Biden”.
Pour Stephen Innes également, il paraît impossible que les relations avec le Riyad se réchauffent si l’administration Biden cherche à poursuivre les discussions avec l’Iran.