La France et l’Allemagne adoptent des approches distinctes pour réduire l’empreinte carbone de leurs industries, révèle une analyse de McKinsey et La Fabrique de l’Industrie. Le rapport indique que les émissions directes de l’industrie française, ou émissions « scope 1 », sont nettement supérieures à celles de l’Allemagne. En 2021, la France a émis 380 grammes de CO2 par euro de valeur ajoutée industrielle, contre 290 grammes pour l’Allemagne. Cette différence est attribuée à la structure sectorielle des deux économies. L’industrie française est fortement concentrée dans des secteurs à haute intensité carbone comme la métallurgie, la chimie ou le raffinage, tandis que l’Allemagne est davantage axée sur des industries manufacturières moins émettrices, telles que l’automobile.
En revanche, l’analyse des émissions liées à l’énergie consommée par l’industrie, ou « scope 2 », montre que la France bénéficie d’une avance notable. L’utilisation massive de l’énergie nucléaire dans l’Hexagone réduit significativement l’intensité carbone de ses processus industriels. L’électricité en France émet en moyenne six fois moins de CO2 que celle produite en Allemagne, encore largement dépendante du charbon. Ce facteur permet à la France de compenser en partie ses émissions directes plus élevées. En cumulant les émissions des scopes 1 et 2, les niveaux d’émissions des deux pays deviennent comparables : 371 grammes de CO2 par euro de valeur ajoutée pour la France contre 359 grammes pour l’Allemagne.
Capacités d’Adaptation et Stratégies Régionales
Pour relever les défis de la réduction des émissions industrielles, la France et l’Allemagne doivent intensifier leurs efforts en matière d’infrastructures et d’investissements. L’étude met en avant l’importance de développer des solutions à l’échelle régionale. Par exemple, des projets comme l’autoroute de la chaleur à Lille ou les infrastructures « D’artagnan » à Dunkerque visent à capter, transporter et stocker le CO2 généré par les industries locales. Ces initiatives nécessitent une coopération interrégionale et des investissements conséquents pour être efficaces.
Les industriels, cependant, restent prudents face aux coûts et à la volatilité du marché de l’énergie. Le prix de l’électricité en France, proposé à 70 euros le mégawattheure par EDF pour des contrats à long terme, est perçu comme une barrière à l’électrification à grande échelle des processus industriels. Les décisions d’investissement dépendent donc fortement de la prévisibilité des coûts énergétiques et des incitations fiscales éventuelles.
Formation de la Main-d’Œuvre et Concurrence Internationale
Un autre enjeu crucial réside dans la disponibilité de professionnels qualifiés pour accompagner la transition industrielle. La France est confrontée à un manque de talents dans les domaines techniques et de l’ingénierie, nécessaires pour mettre en œuvre des solutions avancées de réduction des émissions. Ce manque de compétences est un frein majeur pour les entreprises souhaitant moderniser leurs installations.
La compétition mondiale ajoute une couche de complexité. Avec la montée en puissance de la Chine sur les marchés internationaux et des coûts de production plus faibles en dehors de l’Europe, les industries françaises et allemandes sont sous pression pour maintenir leur compétitivité tout en s’engageant dans des stratégies de réduction des émissions. Les secteurs automobiles et chimiques, en particulier, ressentent cette tension entre l’urgence de la transition énergétique et la réalité des coûts.
L’étude souligne enfin que la coordination des politiques publiques et le soutien gouvernemental sont essentiels pour surmonter ces défis. L’alignement des stratégies industrielles et énergétiques avec les objectifs de réduction des émissions pourrait permettre de mieux gérer les impacts économiques et sociaux de cette transition.