Hydrogène renouvelable pourrait, à terme, redéfinir les rapports de forces géopolitiques, notamment entre l’UE, ses voisins et ses alliés historiques. L’UE a donc mis en place sa stratégie. Celle-ci prévoit, en outre, d’investir 180 à 490 milliards d’euros dans l’hydrogène décarboné, dit « vert ».
L’hydrogène renouvelable massivement déployé avant 2050 ?
L’hydrogène renouvelable devrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique européenne. En ce sens, l’Union Européenne (UE) publiait en juillet 2020 sa stratégie pour l’hydrogène. Elle publiait, dans le même temps, sa stratégie pour l’intégration du système énergétique.
Toutes deux s’inscrivants dans le plan de relance Next Génération EU, ainsi que dans le giron du Pacte Vert pour l’Europe de 2019 qui devrait être révisé en juin 2021. Cette ensemble devraient ainsi permettre de renforcer le nouveau cadre énergétique européen pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
13 à 14% de l’électricité à partir d’hydrogène vert d’ici 2050
Avec cette stratégie pour l’hydrogène, l’UE affiche l’objectif de 13 à 14% d’hydrogène renouvelable dans le mix européen d’ici 2050.
Pour cela, l’UE espère déployer 6 GW d’électrolyseurs pour la production d’au moins 1 million de tonnes d’hydrogène propre par an d’ici 2024. Mieux encore, d’ici 2030, l’UE souhaite faire monter la puissance déployée à 40 GW et produire ainsi 10 millions de tonnes d’hydrogène vert. L’objectif étant qu’en 2050, la technologie soit mature et répandue.
« En développant et en déployant une chaîne de valeur de l’hydrogène propre, l’Europe deviendra pionnière au niveau mondial et conservera son rôle de premier plan dans le domaine des technologies propres » déclarait Frans Timmermans, vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l’Europe
En outre, la mise en route d’une telle industrie demandera conjointement l’augmentation des capacités de production d’énergie renouvelable.
De futurs investissements européens colossaux
Dans le cadre de cette stratégie, l’UE a mis en place une alliance européenne de l’hydrogène propre à horizon 2030. L’objectif étant de soutenir financièrement les projets de développement de l’hydrogène décarboné dans tous les États membres.
En ce sens, le Centre européen pour l’accélération de l’hydrogène vert créé en novembre 2020 a pour ambition de participer au développement d’un marché de plus 100 milliards d’euros par an d’ici 2025. Ce marché pourrait aussi permettre la création de plus de 500.000 emplois.
490 milliards d’euros investit d’ici 2050 ?
Actuellement, plus de 300 électrolyseurs pour de l’hydrogène renouvelable sont déjà installés à travers l’UE. C’est donc la première capacité installée au monde. Et malgré la production de 70 à 100 millions de tonnes d’hydrogène vert chaque année, cela ne représente toujours que 4% de l’ensemble de l’hydrogène produit.
Ainsi, pour que la production d’hydrogène propre devienne compétitive, l’UE prévoit d’investir, d’ici 2050, entre 180 et 490 milliards d’euros dans la filière hydrogène décarboné. Et ce, sans compter les investissements propres de chaque États membres.
En revanche, le développement d’hydrogène nécessite également des investissements massifs dans les industries connexes. En somme, tous les marchés pilotes doivent évoluer : industrie lourde, transports et énergies renouvelables en premier lieu. À l’inverse, l’UE ne pourra imaginer développer une industrie de l’hydrogène autonome. Le risque étant de dépendre, par exemple, des imports de ressources énergétiques des pays et organisations voisins.
Le risque de maintien des déséquilibres géopolitiques et énergétiques de l’UE
La question se pose en effet de la relation future de l’UE avec la Russie. Cette dernière pourrait devenir un maillon indispensable du maillage industriel futur de l’UE. Ayant pour conséquence possible une ingérence de la Russie dans les affaires de l’organisation européenne.
Déjà, l’Allemagne va presque doubler ses imports de gaz naturel russe grâce au Nord Stream 2. L’Allemagne et la Russie envisageant même la mise en place d’une collaboration étroite en matière d’hydrogène. En raison de la réduction progressive de la demande de gaz naturel, 90% des infrastructures gazières pourraient en effet être réorientées vers le transport et la distribution d’hydrogène.
En somme, les moyens logistiques de distribution et de stockage doivent être repensés infra-régionalement, mais aussi internationalement.
L’UE prise en étaux entre la Russie et les États-Unis
De l’autre côté : les États-Unis. L’UE pourrait donc se retrouver prise en étaux entre la Russie et les États-Unis. Les deux pays ayant entamé un bras de fer quant à la distribution de gaz naturel sur le vieux continent.
L’avantage pour la Russie est que leurs gazoducs répondraient en partie à l’une des problématiques de l’hydrogène : celle de la décentralisation de la production et du stockage. Mais pour l’instant, pour des raisons de pragmatisme technologique et économique, les stockages souterrains et la production en centrales semblent être privilégiés.
Une dynamique mondiale de l’hydrogène vert
Ainsi dans le monde, plusieurs pays ont mis en route des stratégies pour l’hydrogène. Entre autres, dès 2017 le Japon a mis en place une feuille de route. En 2019, c’est également le cas pour les États-Unis et la Corée du Sud.
Enfin, la Chine est déjà le premier producteur mondial d’hydrogène non vert. Ses électrolyseurs sont presque deux fois moins chères que ceux produits en Europe. D’ailleurs, le marché asiatique de l’hydrogène constitue pour le moment le plus gros marché de l’hydrogène du monde.
En revanche, les électrolyseurs chinois ne sont pas décarbonés. L’Allemagne ambitionne ainsi de s’imposer comme leader mondial dans la production d’électrolyseurs décarbonés. Elle devra, pour cela, réfléchir à sa stratégie d’approvisionnement, compte tenu de sa faible dotation en énergie renouvelable et son refus de recourir à l’énergie nucléaire.