L’hydrogène vert, pour qu’il devienne une source énergétique majeure du mix énergétique mondial, demande des investissements considérables. L’objectif étant alors de réduire ses coûts. Afin de pouvoir substituer une partie des énergies fossiles par l’hydrogène renouvelable. Zoom sur l’hydrogène vert : les tenants et les aboutissants de l’hypothétique énergie du futur.
Hydrogène vert : la promesse d’une énergie non carbonée
À proprement parler, l’hydrogène n’est pas une « énergie », mais un vecteur énergétique permettant des transferts d’énergies. C’est donc un type de stockage énergétique faisant l’interface entre la source énergétique et sa consommation finale. En cela, il permet de réduire la problématique de l’intermittence des énergies renouvelables (EnR). Il permet en effet de stocker les surplus pour les réinjecter dans les réseaux électriques si nécessaire.
En outre, sa « re-transformation » en électricité par le biais de piles à combustibles, peut ainsi être utilisé comme carburant pour moteur électrique disponible en station service. Il dispose, pour cela, d’une bonne puissance calorifique : 1kg d’hydrogène permettant d’effectuer 100km environ. À poids égal, sa puissance calorifique est ainsi trois fois supérieure à celle de l’essence.
Il peut également servir à la production de chaleur ou de froid pour l’industrie. Aussi pour le chauffage et le froid des bâtiments. Enfin également, l’hydrogène et ses isotopes servent de combustible pour la fusion nucléaire.
75% de la masse de l’Univers
L’avantage de l’hydrogène (H) est qu’il est extrêmement répandu. C’est même l’atome le plus répandu puisqu’il constitue 92% de la matière et 75% de la masse de l’Univers. C’est aussi l’atome le plus simple : 1 proton et 0,1 ou 2 neutrons selon l’isotope. Enfin, c’est également l’atome le plus léger.
En revanche, sur Terre, l’hydrogène n’existe pratiquement pas à l’état pur. Il est donc toujours combiné à d’autres éléments. Très souvent, il se combine avec l’oxygène (O) et forme ainsi de l’eau (H2O).
Quelques inconvénients notables
En revanche, l’hydrogène cumule aussi quelques inconvénients inhérents à ses propriétés.
En outre, sa faible densité, de l’ordre de 90mg/m3, le rend difficile à stocker en grande quantité de manière mobile. Sa petite taille relativement aux autres atomes demande également des conditions d’étanchéité du stockage exceptionnelles. Également, son inflammabilité consiste encore aujourd’hui un frein.
Enfin, le coût de production d hydrogène vert est encore très chère. Trop chère pour imaginer une substitution totale des énergies fossiles dans les 10 à 30 ans.
Réduire les coûts de production d’hydrogène vert
Selon un rapport de 2019 de l’IEA, l’hydrogène vert produit par électrolyse de l’eau est ainsi trois fois plus chère que les techniques de vaporeformage du méthane ou de thermolyse par exemple. Par conséquent, plus de 98% de l’hydrogène produit l’est à partir d’énergie fossile. On dit alors qu’il est « gris ».
Le kilo d’hydrogène à 1 $ en 2050 ?
En revanche, à terme, selon une étude de BloombergNEF, le processus de l’électrolyse de l’eau pourrait devenir plus compétitive. D’ici à 2050, l’hydrogène par électrolyse de l eau pourrait en effet coûter entre 1,6 $ et 0,70 $/kg. Mais pour atteindre un prix de vente de 1 à 2$/kg en 2050, les investissements doivent considérablement augmenter.
Actuellement, le stockage dans des bouteilles à haute pression reste la technique de stockage la moins chère (0,19 $/kg). Devant le stockage souterrain en cavernes salines (0,23 $/kg). La première technique ne permet pas le stockage de grande quantité, la seconde n’est pas mobile.
Concernant le transport, la forme la moins chère actuellement est le transport par pipelines devant le transport par bateau. Mais le recours au réseau de gaz soulève de nombreuses problématiques géopolitiques. À l’image des tensions autour du projet Nord Stream 2.
Engager des politiques fortes tournées vers la transition énergétique
De manière générale, la production d’hydrogène vert ne pourra donc se faire qu’au prix de politiques énergétiques soutenues. À hauteur de 150 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 au moins selon BloombergNEF.
En parallèle, le prix du carbone doit également évoluer si l’on veut décarboner les industries dures à décarboner. Ainsi, toujours selon BloombergNEF, la tonne équivalent CO2 devra atteindre 50$ pour l’industrie de l’acier. Ou encore 116 $ pour l’électricité issue du gaz.
Dans le même ordre d’idée, si les politiques suivent, l’hydrogène pour la mobilité lourde sur route pourrait être moins chère que le diesel d’ici à 2031. Cela permettrait alors de démocratiser le recours aux véhicules électriques.
Développer massivement les EnR
Enfin, pour développer l’hydrogène, il faut également une industrie des EnR développée. Or, pour certains pays, la configuration géographique ne se prête pas au déploiement de panneaux solaires, d’éoliennes ou de barrages. C’est le cas par exemple pour l’Allemagne, la Chine, la Corée ou le Japon.
À l’inverse, au Brésil ou aux États-Unis, l’hydrogène pourrait être décarboné et très compétitif : moins de 1 $/kg.
24% du mix énergétique d’ici à 2050 ?
À terme, si toutes les conditions sont réunies, BloombergNEF estime que 700 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable pourraient être produites d’ici à 2050. Cela représente 24% de l’énergie produite dans un scénario ou le réchauffement climatique est limité à 1,5 degré. Mais pour cela, les investissements dans l’hydrogène renouvelable doivent s’élever à plus de 11.000 milliards de dollars d’ici à 2050.
Les ventes d’hydrogène vert pourraient également représenter 700 milliards de dollars par an en 2050. Mais dans ce scénario, 31.320 TWh d’électricité issus de sources renouvelables seront nécessaires. C’est ainsi plus que toute l’EnR produite actuellement dans le monde.
La condition du futur : des mécanismes incitatifs, voire contraignants
Finalement, l’hydrogène ne deviendra vraiment l’énergie du futur qu’à la condition de développer des mécanismes d’incitation politique et économique considérables. Ceux-ci devront même, pour certains concernant notamment les émissions de dioxyde de carbone, être juridiquement contraignants. Ensemble, ces mécanismes se traduiront par une réponse concrète aux enjeux de transition énergétique.
À l’heure actuelle, de nombreux États et organisations ont mis en place des feuilles de routes pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ou 2060. Au cœur de celles-ci, l’hydrogène renouvelable tend à occuper une place prépondérante.
D’autant qu’il motive le développement à très grande échelle des EnR. Ou du moins des énergies vertes et bas-carbone comme le nucléaire. Mais aussi les technologies de capture et de stockage du carbone.