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Hydrogène décarboné: la stratégie ambitieuse du Maroc

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L’hydrogène décarboné représente pour le Maroc une formidable opportunité afin de faire du pays une véritable puissance énergétique. Disposant de ressources solaires et éoliennes en abondance, Rabat affiche ainsi des ambitions importantes sur le marché de l’hydrogène. Dans cette optique, l’accord récemment signé avec l’Allemagne constitue une étape clé pour les ambitions marocaines. Néanmoins, des incertitudes demeurent quant à l’intermittence de la production et le coût de transport de l’hydrogène produit vers l’Europe.

 

Accord de 100 MW d’hydrogène décarboné

L’Allemagne mise sur l’hydrogène

Depuis le début de l’année 2020, l’hydrogène vert ou décarboné fait l’objet d’une véritable frénésie en matière d’investissements et de politiques publiques. En juillet dernier, l’Union Européenne avait ainsi annoncé vouloir installer près de 40 GW de capacité d’électrolyse d’ici 2030. À cette date, l’Allemagne vise un objectif de 10 % de part d’hydrogène dans son mix électrique. Le pays d’Europe développe ainsi une stratégie à l’internationale incluant le Maroc.

Pour Berlin, la difficulté consistera cependant à alimenter les électrolyseurs en électricité issue des énergies renouvelables (EnR). En effet, en dépit d’une bonne dotation en énergie éolienne, l’Allemagne souffre d’un déficit chronique en énergie solaire. C’est pourquoi le gouvernement allemand se retrouve dans l’obligation d’importer de la production EnR afin de combler ses besoins.

Une opportunité pour le Maroc

Grâce à ses conditions d’ensoleillement et à sa proximité avec l’Europe, le Maroc fait figure de partenaire idéal pour l’Allemagne. Aujourd’hui, le pays compte déjà 3685 MW de capacités renouvelables installées dont 1/3 proviennent de l’énergie solaire. Potentiellement, Rabat pourrait même produire jusqu’à 20 000 GW d’énergie solaire et 6 500 MW d’énergie éolienne.

Signé en juin dernier, l’accord avec l’Allemagne prévoit d’allouer près de 100 MW d’énergies renouvelables à la production d’hydrogène. Cela représente quasiment 3 % de la capacité totale du Maroc en EnR. Le projet devrait être opérationnel d’ici 2024 et sera la première usine de fabrication présente sur le continent africain. Surtout, ce projet ne constitue pour Rabat qu’une première étape visant à faire du Maroc une véritable puissance hydrogène.

 

Les ambitions marocaines

Devenir un leader dans le Power-To-X

L’accord avec l’Allemagne met en lumière les ambitions du royaume chérifien en matière d’hydrogène décarboné. Les autorités visent ainsi à capturer entre 4 et 8 % de parts de marché dans le Power-To-X. Cette technique consiste à utiliser les surplus d’électricité issus des EnR afin de produire de l’hydrogène ou du gaz synthétique. Le Maroc bénéficie, il est vrai, de véritables avantages comparatifs dans ce domaine.

Le pays dispose ainsi d’une énergie solaire extrêmement compétitive ainsi qu’un parc éolien aux coûts relativement faibles. À cela, il faut ajouter une capacité hydroélectrique de l’ordre de 1770 MW en mesure de compenser l’intermittence des ENR. De fait, le pays peut se targuer de combiner un facteur de charge élevé à des coûts bas de production. Autrement dit, le Maroc apparaît comme une source d’approvisionnement fiable et très compétitive en électricité bas-carbone.

Le Maroc souhaite s’imposer sur le marché de l’ammoniac

En plus du Power-To-X, le royaume souhaite devenir l’un des leaders mondiaux de la production d’ammoniac issue de l’hydrogène. Rappelons qu’aujourd’hui l’ammoniac est l’une des solutions envisagées afin de décarboner certains secteurs au coût d’abattement élevé. Les transporteurs maritimes, notamment, ne cachent pas leur intérêt pour ce composé chimique. Les fabricants d’engrais l’utilisent également massivement dans leur chaîne de production.

Le problème est que l’ammoniac est aujourd’hui principalement issue des énergies fossiles créant pour le Maroc une dépendance aux importations. Or, la production d’hydrogène vert par électrolyse pourrait permettre au pays de fabriquer par lui-même de l’ammoniac décarboné. Disposant des premières réserves de phosphate au monde, le royaume profiterait dès lors d’un avantage compétitif sur les engrais bas-carbone. Ceci explique d’ailleurs pourquoi l’Allemagne et sa puissante industrie chimique se montrent autant intéressées par le potentiel énergétique marocain.

 

Des incertitudes

Les doutes quant à la production d’hydrogène

Le Maroc souhaite donc investir massivement dans la production d’hydrogène décarboné afin de l’exporter vers l’Europe. Pourtant, beaucoup d’experts doutent de la faisabilité d’une telle ambition. Ainsi, on peut s’interroger quant au niveau de disponibilité des ressources solaires et éoliennes consacrées à la production d’hydrogène. En effet, le Maroc affiche l’objectif ambitieux de consommer domestiquement près de 11 GW d’électricité renouvelable d’ici à 2030.

Ce chiffre équivaudra à 52 % de la consommation d’électricité à cette date. Or, cet objectif risque de cannibaliser une partie des ressources en EnR au détriment de la production d’hydrogène. L’ambition marocaine sur l’hydrogène pourrait dès lors faire les frais des arbitrages internes en faveur de la consommation domestique. En outre, la multiplication des sécheresses engendrée par le réchauffement climatique pourrait altérer l’hydroélectricité et ainsi la continuité des approvisionnements.

La question non résolue du transport

La question du transport de l’hydrogène et des EnR pose également des difficultés au gouvernement marocain. L’hydrogène peut effectivement être transporté via des gazoducs déjà existants entre le Maroc et l’Europe. Or, les effets corrosifs de l’hydrogène sur les infrastructures ne permettent pas une pleine utilisation des gazoducs. Aujourd’hui, on estime à environ 15 % la capacité maximale d’hydrogène que peut supporter un gazoduc.

Le transport maritime, quant à lui représente l’option la plus intéressante pour transporter l’hydrogène. Cependant, cette option exige une transformation de l’hydrogène en ammoniac ou en méthanol. Or, cela crée des surcoûts importants d’autant plus qu’il faut ensuite redécomposer l’ammoniac pour disposer de nouveau de l’hydrogène.

Par conséquent, la question du transport de l’hydrogène apparaît comme un élément clé dans la réussite des ambitions marocaines. De même, l’intermittence de la production pourrait engendrer des problèmes graves de continuité des approvisionnements en électricité bas-carbone. Pour Rabat, la route sera donc encore longue avant de voir le pays devenir une véritable puissance énergétique.

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