L’hydroélectricité profite ces dernières années d’un développement rapide sur le continent africain. D’après l’Association internationale de l’hydroélectricité (IHA), cette progression va se poursuivre d’ici à 2040. Cette énergie bénéficie en effet d’un certain nombre d’atouts qui la rende attractive auprès des gouvernements africains. Néanmoins, de nombreux obstacles entravent encore sa croissance sur le continent.
L’hydroélectricité : une énergie à fort potentiel de croissance en Afrique
Représentant aujourd’hui 15 % de la génération électrique en Afrique, cette source d’énergie possède un potentiel de croissance important. Selon l’IHA, le continent n’exploiterait que 11 % de ses capacités hydrauliques soit 37 GW. L’énergie hydroélectrique pourrait ainsi répondre à la demande croissante d’énergie des pays africains. Rappelons que la consommation d’énergie pourrait tripler sur le continent d’ici à 2040.
L’hydroélectricité est d’autant plus attractive qu’il s’agit d’une énergie bas-carbone et pilotable. Ainsi, d’une part, cette énergie pourrait se substituer à l’usage des énergies fossiles dans la production d’électricité. En Guinée-équatoriale, par exemple, le barrage de Sendje contribuera à réduire fortement la dépendance du pays aux ressources pétrolières. Les Etats africains pourront ainsi utiliser l’énergie hydroélectrique comme d’un levier important pour atteindre les objectifs des accords de Paris.
De plus, cette énergie favorise l’intégration des renouvelables dans les réseaux électriques. Pour l’Afrique, il s’agit d’un avantage majeur étant donné la forte disponibilité de ressources renouvelables comme le solaire. Des complexes hydroélectriques au Kenya servent également de facteur d’équilibre du réseau. Techniquement, les barrages fournissent l’électricité la nuit dès lors que le réseau ne dispose plus d’énergie solaire disponible.
Ainsi, l’énergie hydroélectrique représente donc un atout considérable pour répondre à la demande d’énergie bas-carbone du continent.
Le boom de l’hydroélectricité en Afrique
Grâce à ces atouts, l’énergie hydroélectrique s’impose comme une source d’énergie majeure en Afrique. Plusieurs projets devraient ainsi voir le jour dans les années à venir. C’est le cas notamment du Bumbuna Hydro II en Sierra Léone dont la mise en service devrait débuter en 2021. De même, Madagascar (Sahofika), la ou encore le Burundi ont annoncé de nouvelles capacités.
Les deux principaux projets hydroélectriques du continent concernent actuellement la République démocratique du Congo (RDC) et l’Éthiopie. En RDC, le barrage du Grand Inga est un projet d’une capacité de 40 GW sur le fleuve Congo. Toujours en attente d’approbation, il représenterait le complexe hydroélectrique le plus puissant du monde avec 40 GW de capacités. En Ethiopie, le barrage de la Renaissance (GERD) sur les eaux du Nil doit atteindre une capacité de 6,45 GW.
Dans l’ensemble, c’est près de 50 projets hydroélectriques qui sont actuellement en construction sur le continent. Cela représente une capacité supplémentaire de 15 GW d’ici à 2025.
Au total, l’hydroélectricité a connu une croissance de 4,4 % par an depuis le début de la décennie selon l’IHA. L’an dernier, près de 906 MW de capacités nouvelles ont ainsi été installées en Afrique. Cela représente davantage que l’Europe et l’Amérique du Nord réunis. Pour la période 2020-2025, l’IHA prévoit d’ailleurs un doublement de la croissance des capacités hydroélectriques en Afrique.
L’hydroélectricité en Afrique : une croissance entravée
Si l’énergie hydroélectrique connaît une croissance forte en Afrique ces dernières années, celle-ci reste encore insuffisante pour répondre aux besoins. En effet, l’essentiel des ressources hydrauliques restent encore peu exploitées. Ainsi, de nombreux obstacles subsistent ralentissant le développement de cette énergie en Afrique.
Premièrement, la filière hydroélectrique africaine est confrontée à un manque d’accès aux financements. Au Congo, le projet de barrage de Grand Inga peine ainsi à trouver les financements suffisants. L’Afrique souffre en effet de l’absence d’un marché de capitaux susceptible d’appuyer des grands projets d’infrastructure. L’Union africaine est d’ailleurs consciente de ce défi et s’efforce d’aider les pays africains via son fonds de développement africain.
De plus, à cette question de financement s’ajoute la problématique du climat. Les barrages sont en effet extrêmement dépendants des ressources en eaux disponibles. Or, le réchauffement climatique accélère les phénomènes de sécheresse et de stress hydrique. En conséquence, les capacités de production des centrales hydroélectriques vont très certainement décliner à mesure que le réchauffement s’intensifie.
Cette problématique est particulièrement importante pour des pays fortement dépendants de l’hydroélectricité comme la RDC ou la Zambie. En 2019, la Zambie a ainsi connu une baisse de 70 % de sa production électrique suite à une sécheresse. À l’avenir, les États africains seront donc confrontés à des vrais risques de pénurie d’électricité en cas de manque d’eau.
Des risques sous-estimés
Enfin, il ne faut pas sous-estimer les risques politiques, voir géopolitiques, de l’expansion de l’énergie hydroélectrique en Afrique. La construction du barrage de la Renaissance en Éthiopie crée ainsi des tensions avec l’Égypte et le Soudan. Le Caire avait même menacé Addis-Abeba d’utiliser la force en cas de partage non équitable des eaux du Nil. Plus globalement, le développement de cette source d’énergie peut favoriser la résurgence de conflits comme dans le bassin du Congo.
Le développement de capacités hydroélectriques en Afrique ne sera donc pas un long fleuve tranquille. Sa croissance dépendra en grande partie d’un meilleur accès aux financements et d’une maîtrise des risques environnementaux et politiques.