He Dreiht, projet éolien offshore de 960 MW développé par Energie Baden-Württemberg AG (EnBW), a commencé à injecter de l’électricité sur le réseau, marquant une étape importante pour un projet réalisé sans subvention publique directe. Issu d’une enchère dite “zéro-cent” remportée en 2017, il est l’un des rares parcs de cette génération à atteindre le stade opérationnel dans les délais prévus. La finalisation complète du chantier est attendue au cours du deuxième trimestre 2026, avec une montée en puissance progressive déjà amorcée.
Une structuration financière mixte entre PPA et exposition marchande
Le montage économique repose sur un portefeuille d’accords d’achat d’électricité (PPA) signés avec Fraport, Bosch, Evonik et Salzgitter, représentant environ 335 MW de capacité. Le reste de la production sera valorisé sur le marché spot. Cette structuration hybride permet de lisser les risques de volatilité, dans un contexte de prix de capture moyen autour de 84 €/MWh en 2025 sur le segment offshore allemand. La Banque européenne d’investissement a apporté un financement de 600 M€, complété par des fonds propres d’un consortium composé d’Allianz Capital Partners, AIP Management et Norges Bank Investment Management.
Des partenaires industriels et institutionnels européens
Le projet mobilise des turbines Vestas de 15 MW, parmi les plus puissantes du marché, installées sur des fondations gravitaires à environ 110 km à l’ouest de l’île d’Heligoland. Le raccordement est assuré par le gestionnaire de réseau germano-néerlandais TenneT, au sein d’une architecture HVDC en expansion dans la mer du Nord. La chaîne de valeur, intégralement européenne, se distingue dans un marché où l’influence croissante des équipementiers chinois soulève des préoccupations réglementaires à Bruxelles.
Échec des enchères récentes et bascule réglementaire à venir
Alors que He Dreiht entre en service, le dernier appel d’offres offshore allemand s’est soldé par une absence totale d’offres sur 2,5 GW, soulignant les limites du modèle à “enchères négatives” où les développeurs doivent verser des redevances pour obtenir les droits de construction. Le ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du climat prépare un basculement vers un mécanisme à contrats pour différence (CfD) à partir de 2026, afin de restaurer la bancabilité des projets à grande échelle.
He Dreiht comme levier géopolitique et vitrine industrielle
L’Allemagne reste éloignée de son objectif de 30 GW installés d’ici 2030, avec seulement 9,2 GW connectés à mi-2025. He Dreiht et les projets associés devraient faire passer ce chiffre à environ 11 GW d’ici fin 2026. La mise en service de ce parc renforce l’ancrage industriel allemand et constitue un signal adressé aux marchés et aux partenaires européens sur la capacité du pays à livrer des projets complexes malgré un environnement réglementaire en transition.
Effets sur la chaîne d’approvisionnement en mer du Nord
Le chantier mobilise des ressources industrielles critiques dans une zone de forte densité projetuelle, où se concentrent plusieurs GW de capacités en construction. He Dreiht partage certaines infrastructures avec les parcs voisins Hohe See et Albatros, créant un effet de cluster pour les opérations et la maintenance à partir de la base d’Emden. Cette mutualisation pourrait atténuer partiellement les pressions sur les coûts fixes et les disponibilités de main-d’œuvre spécialisée.
Cadre juridique et absence d’acteurs chinois
Le projet relève du cadre juridique allemand WindSeeG, sous la supervision de la Bundesnetzagentur. Aucun fournisseur impliqué dans He Dreiht ne fait à ce jour l’objet d’enquêtes dans le cadre du règlement européen sur les subventions étrangères. Cette indépendance vis-à-vis des chaînes de valeur chinoises pourrait devenir un avantage stratégique dans les prochains appels d’offres, si les instruments de défense commerciale de l’Union européenne venaient à se renforcer.