Après une période tendue de plusieurs années marquée par des affrontements et des négociations acharnées, un accord vient de voir le jour entre la centrale électrique de l’Ouest guyanais (CEOG) et le village amérindien Prospérité. Ce conflit, principalement centré sur les impacts de l’implantation de la centrale à proximité du village et de ses zones de chasse traditionnelle, semble aujourd’hui trouver une résolution inédite.
Depuis le lancement du projet en 2018, les habitants de Prospérité, un village de 200 personnes situé près de Saint-Laurent-du-Maroni, manifestaient leurs craintes et revendications face aux implications environnementales et sociales de la centrale. Les villageois ont notamment dénoncé l’empiètement sur leurs territoires de chasse, essentiels à leur subsistance et à leurs traditions culturelles. Ces inquiétudes ont souvent mené à des tensions, avec plusieurs interventions des forces de l’ordre et des arrestations.
Un protocole d’accord pour l’avenir
Vendredi dernier, les représentants de la CEOG et du village ont signé un protocole d’accord historique. Ce document prévoit notamment la création d’un fonds de dotation destiné à soutenir le développement et l’autonomisation de Prospérité. Selon Henry Hausermann, directeur de la CEOG, ce fonds sera alimenté annuellement pendant les 25 années de fonctionnement prévisionnel de la centrale, bien que les montants n’aient pas été divulgués.
Pour Me Jérôme Bouquet-Elkaïm, avocat du village, ce fonds représente bien plus qu’une simple compensation financière. « Il s’agit d’offrir une véritable perspective de développement pour Prospérité, un outil pour que le village puisse se renforcer et envisager un avenir plus autonome », a-t-il déclaré à l’issue de la signature de l’accord.
Un long chemin vers la réconciliation
Cet accord marque l’aboutissement de négociations complexes. La situation avait atteint son paroxysme en octobre 2022, lorsque le yopoto (chef) du village fut placé en garde à vue, exacerbant la colère et l’indignation parmi la communauté. En mars 2024, le chef s’était tourné vers l’Organisation des Nations unies (ONU), demandant l’arrêt du projet. Ce geste symbolique soulignait l’intensité du conflit et l’urgence d’une solution acceptable pour les deux parties.
Malgré cette avancée, le souvenir de ces tensions reste profondément ancré dans la mémoire collective du village, comme l’a exprimé Aulaguea Thérèse, président de la Fédération des Organisations Autochtones de Guyane : « Rien n’a été oublié : les mots, l’attitude, les violences… Aujourd’hui, c’est ancré dans le village. » Pour les habitants, cet accord représente autant une forme de réparation qu’un engagement pour un futur apaisé.
La centrale CEOG : un projet d’envergure pour la Guyane
La centrale CEOG, qui devrait être opérationnelle en 2026, est prévue pour fournir de l’énergie à environ 10 000 foyers. Ce projet s’inscrit dans une stratégie d’autonomie énergétique pour la région, cherchant à réduire la dépendance aux énergies fossiles. Bien que le projet promette des bénéfices environnementaux pour la Guyane, il a également soulevé des préoccupations légitimes parmi les communautés autochtones locales.
Alors que cet accord semble offrir une voie de réconciliation, des observateurs soulignent l’importance d’un suivi rigoureux des engagements pris, tant en termes de financement que de respect des droits et des modes de vie des habitants de Prospérité.