Les données du US Census Bureau montrent que les exportations américaines de charbon thermique se dirigent majoritairement vers l’Inde, principal marché pour ce combustible. Toutefois, les acheteurs indiens du secteur industriel, notamment dans les segments de la fabrication de ciment et de briques, se tournent de plus en plus vers le coke pétrolier domestique, plus compétitif. En conséquence, le prix du charbon du bassin nord-appalachien (NAPP) FOB Baltimore a baissé de 70 cents, atteignant 73,95 $/mt au 1er octobre. Cette dynamique reflète un marché mondial saturé par une offre excédentaire, exacerbée par la baisse de la demande en Inde.
Cette situation s’accompagne d’une pression accrue sur les stocks de charbon aux États-Unis, qui s’élevaient à 125,7 millions de tonnes en juillet, soit 15,8 % au-dessus de la moyenne des cinq dernières années. La surabondance d’approvisionnement réduit les marges des producteurs américains, rendant toute perturbation logistique liée à la grève inefficace pour relancer les prix.
Des prix sous pression
Les fluctuations de prix récentes sur les marchés reflètent cette tendance structurelle. Le charbon du centre des Appalaches (CAPP) a enregistré une moyenne de 72,24 $/st sur les neuf premiers mois de 2024, contre 84 $/st pour la même période en 2023. De plus, les dernières données de l’Energy Information Administration (EIA) confirment que les stocks de charbon dans le secteur énergétique ont dépassé la moyenne quinquennale depuis mai 2023. Cette abondance de ressources domestiques place les producteurs dans une situation défavorable pour répondre à la demande fluctuante des marchés asiatiques.
Le courtier en charbon basé aux États-Unis, interrogé par Commodity Insights, affirme que « la grève n’aura probablement pas d’impact direct sur le marché intérieur », soulignant que les prix actuels sont davantage dictés par les fondamentaux du marché mondial plutôt que par des perturbations locales.
Un marché mondial déséquilibré
La surcapacité de production de charbon n’est pas limitée aux États-Unis. D’autres grands producteurs mondiaux, tels que l’Australie et l’Indonésie, continuent de fournir des volumes élevés, alimentant ainsi la concurrence sur les marchés asiatiques. En conséquence, les principales destinations du charbon américain, comme la Chine et l’Inde, voient une diversification de leurs sources d’approvisionnement, limitant encore davantage la capacité des producteurs américains à ajuster les prix à leur avantage.
Les volumes d’exportation à partir des ports américains ont totalisé environ 99,7 millions de tonnes en 2023, générant 15,4 milliards de dollars de revenus, selon la National Mining Association (NMA). Une grève prolongée pourrait potentiellement réduire les exportations de 85 à 90 %, entraînant une perte de revenus estimée à 13 milliards de dollars. Cependant, même avec cette réduction potentielle, la dynamique mondiale excédentaire empêche tout soutien durable aux prix du charbon.
Des implications au-delà du charbon
Les effets de la grève des dockers pourraient s’étendre à d’autres secteurs, notamment les métaux et les produits chimiques, qui dépendent également des infrastructures portuaires touchées par le mouvement social. Bien que les ports de la côte Ouest ne soient pas directement concernés, leur capacité limitée ne permet pas de compenser les volumes transitant par les côtes Est et Golfe. De plus, les coûts de transport supplémentaires liés à un éventuel contournement rendent cette option peu viable pour les expéditions de charbon vers les marchés asiatiques.
Les analystes du secteur soulignent que la capacité du marché à absorber ces perturbations reste limitée, en particulier dans un environnement où la demande mondiale continue de faiblir. Par conséquent, toute interruption majeure des expéditions américaines risque de peser davantage sur les producteurs que sur les acheteurs, qui disposent de multiples alternatives d’approvisionnement.
En conclusion, la grève des dockers américains, bien qu’elle puisse engendrer des perturbations à court terme, ne parvient pas à soutenir les prix du charbon dans un marché structurellement déséquilibré et confronté à une demande stagnante.