Le Goreh-Jask Pipeline pourrait selon certains experts représenter un tournant stratégique pour les exportations iraniennes d’hydrocarbures. Cet oléoduc devrait permettre au pays d’exporter une grande partie de son pétrole directement en mer d’Oman. Autrement dit, Téhéran ne devrait plus dépendre du détroit d’Hormuz comme voie de passage de ses exportations pétrolières. En cela, il s’agit d’une véritable victoire pour le régime des ayatollahs dans un contexte de tension avec les États-Unis.
Le Goreh-Jask Pipeline mis en service en mars 2021
1 million de barils par jour à terme
Le Goreh-Jask Pipeline devrait commencer à être opérationnel d’ici mars 2021 d’après l’opérateur du projet PEDEC. Cet oléoduc, long de 1100 km, vise à relier les régions pétrolifères du Nord-Ouest du pays à la mer d’Oman. Lors de sa phase initiale, le projet permettra à 350.000 barils par jour de circuler vers le Sud.
Dans un second temps, la capacité de l’oléoduc se portera à 714.000 barils de brut. Parmi eux, 64% seront du pétrole lourd tandis que 254.000 barils contiendront du pétrole léger. Enfin, une fois la phase 2 totalement achevée, l’oléoduc pourra accueillir plus d’un million de barils par jour. Cela pourrait représenter plus du tiers de la production totale iranienne.
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Accompagné d’importants terminaux pétroliers supplémentaires
Le projet ne s’arrête pourtant pas là. L’Iran a en effet construit plusieurs terminaux pétroliers afin d’exporter le pétrole issu de l’oléoduc en mer d’Oman. Le terminal de Jask dans le Sud du pays verra sa capacité de stockage augmenter de 30 millions de barils. De même, le terminal pourra accueillir des tankers de grosse capacité, les VLCC, servant à l’export de brut.
Surtout, les autorités iraniennes ont mis en service 3 bouées de chargement (SPM) permettant le chargement et déchargement du pétrole. Ces SPM devraient atteindre une capacité de chargement de l’ordre de 7000 m2 par heure. En tout, la rénovation des terminaux pétroliers aura coûté près de 200 millions de dollars au régime iranien.
Un tournant stratégique dans les relations autour du golfe Persique
Le contournement du détroit d’Hormuz
Avec le Goreh-Jask Pipeline, l’Iran voit ses capacités d’exportation renforcer par le contournement du détroit d’Hormuz. En effet, avant l’oléoduc, le pays devait dépendre de cette voie de passage pour exporter son pétrole. 90% de ses terminaux pétroliers se trouvaient ainsi dans le golfe Persique, notamment sur l’île de Kharg.
Cette position, proche des bases américaines, rendait le pays extrêmement vulnérable en cas de tensions dans la région. Avec l’oléoduc, l’Iran pourra désormais exporter plus du tiers de sa production nationale sans passer par le détroit. Cela va donner à Téhéran une marge de manœuvre supplémentaire dans sa rivalité géopolitique avec les monarchies du Golfe.
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Un renforcement du partenariat avec la Chine
L’oléoduc a mis également en lumière le récent partenariat économique entre la Chine et l’Iran. Les acteurs chinois ont en effet fortement investi dans les champs pétrolifères du Nord-Ouest du pays. Pour Pékin, il s’agit de tenir son engagement de 400 milliards d’investissements en Iran sur les 25 prochaines années.
En contournant le détroit d’Hormuz, l’oléoduc favorise également la sécurité des approvisionnements pétroliers pour la Chine. Rappelons qu’aujourd’hui le golfe Persique représente près de 50% des importations chinoises de pétrole. En outre, Téhéran et Pékin souhaitent plus tard étendre l’oléoduc vers le Pakistan avant d’atteindre le territoire chinois. Pour Pékin, il s’agirait d’une route importante afin de réduire sa dépendance au transport par le détroit de Malacca.
L’oléoduc symbole du retour de l’Iran sur les marchés pétroliers ?
L’Iran se tient prêt à la fin des sanctions
Depuis quelques semaines, les autorités iraniennes se montrent extrêmement confiantes quant au retour prochain de l’Iran sur les marchés pétroliers. Aujourd’hui, déjà, le pays arrive à exporter plus d’un million de baril par jour en dépit des sanctions américaines. Si celles-ci venaient à être levées, Téhéran pourrait exporter entre 3,5 et 4 millions de barils selon des estimations.
En construisant le Goreh-Jask Pipeline, Téhéran montre en tout cas qu’elle est prête à revenir rapidement sur les marchés. Plusieurs pays se sont d’ailleurs positionnés pour acheter du brut iranien en cas de levée des sanctions. En plus de la Chine, l’Inde n’a pas hésité à appeler à une fin rapide des restrictions. Rappelons que New Delhi faisait partie des plus gros consommateurs de brut iranien avant 2018.
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Que va faire l’administration Biden ?
Nulle doute que cette pression diplomatique pour la levée des sanctions fera réfléchir l’administration américaine. Il est clair que la politique de « pression maximale » sur l’Iran a largement échoué. La construction de l’oléoduc en dépit même des sanctions en constitue une preuve éclatante. Pourtant, la levée des sanctions dépendra de la capacité des deux acteurs à faire des compromis.
Aujourd’hui, la situation semble bloquée. D’un côté, Téhéran demande la levée immédiate des sanctions avant tout retour à l’accord sur le nucléaire. D’un autre côté, Washington demande le retour de l’Iran dans l’accord avant de lever les sanctions. Ces négociations seront d’autant plus difficiles que l’Iran va élire un nouveau président en juin prochain.
Pour Biden, la mise en service du Goreh-Jask Pipeline pourrait représenter à la fois une opportunité et une faiblesse. Une opportunité car Téhéran pourrait faire des concessions en vue de profiter rapidement de l’oléoduc pour accroitre ses exportations. Une faiblesse également car l’oléoduc renforce la position iranienne dans la région, en particulier dans le détroit d’Hormuz. Pour l’Iran, l’oléoduc constitue en cela un véritable « game-changer » géostratégique.