Le GNL devrait jouer un rôle important dans la transition énergétique. Au moins selon les délégués de la 10e Conférence des producteurs et consommateurs de GNL qui s’est tenue le 5 octobre 2021. De leur côté, les institutions européennes hésitent quant à l’intégration du gaz dans sa future taxonomie verte.
Le GNL présenté comme une solution de transition
Les nations sont confrontées à une pression croissante pour la décarbonisation de leur économie. L’objectif étant de limiter le réchauffement climatique à 2°C degré maximum selon l’Accord de Paris de 2015.
En revanche, selon le ministre qatari de l’Énergie présent à la conférence, la solution à la crise climatique ne peut être l’arrêt immédiat de tous les combustibles fossiles. Leur remplacement immédiat par les énergies renouvelables ne semble pas réaliste. Selon lui, les émissions mondiales de dioxyde de carbone peuvent être réduites en passant d’un combustible fossile à un autre.
« Par exemple, plus de 30% de l’électricité mondiale est aujourd’hui générée par la combustion du charbon. En passant du charbon au gaz, nous pouvons réduire les émissions de CO2 associées d’au moins la moitié », déclare-t-il.
Capacité à réduire les GES soumise à caution
De nombreux pays et entreprises comptent ainsi sur le gaz pour assurer leur transition énergétique. En parallèle, la montée en flèche des prix mondiaux du gaz souligne l’importance de cette ressource pour la résilience du secteur de l’électricité.
Cependant, comme l’a rappelé un environnementaliste lors de l’Energy Intelligence Forum 2021, la capacité du secteur du gaz à réduire les émissions est soumise à caution. Cela pourrait affecter sa compétitivité par rapport aux nouvelles technologies alternatives sans émission de gaz à effet de serre.
Les prix records exacerbent les risques de pénurie
« Aujourd’hui, les prix du GNL connaissent à nouveau des niveaux record en raison d’une combinaison d’événements météorologiques extrêmes et de pannes imprévues dans plusieurs endroits du monde. Cela aussi arrive à un moment où nous voyons une forte demande de GNL comme une reprise des impacts de COVID », déclare Fatih Birol, Directeur exécutif de l’IEA lors de la Conférence.
En toile de fond, les prix mondiaux du GNL ont connu une remontée au cours de la dernière année. Le Platts JKM (prix de référence) a atteint un sommet historique de $39,67/MMBtu le 5 octobre 2021. Soit un bond de 540 % par rapport aux prix à la même période en 2020.
Selon S&P, la hausse des prix du GNL est due à des conditions météorologiques extrêmes, à une faible production mondiale et à un faible stockage. De plus, les pénuries de combustibles de substitution comme le charbon ont exacerbé le resserrement actuel du marché. De nombreux marchés régionaux, en particulier en Asie de l’Est et en Europe, pourraient ainsi se retrouver dans une situation critique. Notamment si les températures hivernales sont en dessous des moyennes de saison.
L’Union Européenne face à un dilemme
De son côté, l’Union Européen (UE) est confrontée à un dilemme : doit-elle intégrer le gaz et/ou le nucléaire dans sa taxonomie verte ? Cette classification est primordiale puisqu’elle déterminera les capacités d’investissements dans les énergies qu’elle contiendra. Par conséquent, les sources d’énergie non incluse risquent de voir leurs financements s’assécher.
Pour certains pays membres, à la tête desquels la France, le GNL est considéré comme trop polluant. Et ce, même s’il libère moins de gaz à effet de serre que le charbon ou le pétrole. Mais l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg et l’Espagne défendent leur approvisionnement en gaz. Notamment en sa capacité à réduire leur consommation de charbon. En outre, le nucléaire ne représente qu’une part peu importante de leur mix électrique. Par conséquent, ceux-ci plaident pour ne pas intégrer l’énergie nucléaire dans la taxonomie.
Pour d’autres, en particulier l’Allemagne, le nucléaire est tout autant problématique. S’il n’émet presque pas de CO2, la question du traitement des déchets, et donc de leur dangerosité, est fondamentale.
En définitive, c’est à la Commission européenne que revient la décision de définir les critères d’intégration des sources énergétiques dans la taxonomie. Pour l’heure, la voie d’un compromis est étudiée. Le nucléaire pourrait ainsi être classé dans les énergies propres. Quant au gaz, celui-ci pourrait bénéficier de financements verts lorsqu’il permet de remplacer le charbon.
L’incertitude reflète les divisions intra-européennes
D’un autre côté, la France et les pays d’Europe centrale rappellent que le nucléaire n’émet pas ou très peu de CO2. La France insiste aussi sur le fait qu’elle exporte son électricité issue du nucléaire dans toute l’Europe. Et ce, jusqu’en Allemagne et les autres pays plaidant contre le nucléaire. Par ailleurs, la survie financière d’EDF, lourdement endettée, serait aussi en jeu si le nucléaire n’intégrait pas la taxonomie.
L’Europe hésite
Et pourtant, malgré un collège des commissaires plutôt favorable au nucléaire, l’exécutif européen hésite. En effet, il doit traiter le gaz, le nucléaire dans le même acte délégué. Cependant, l’opposition au Conseil européen ne devrait pas parvenir à réunir la majorité qualifiée nécessaire pour exclure l’une ou l’autre de ces énergies de la taxonomie.
Pour l’heure, il n’existe pas d’alternative sérieuse au gaz à court terme. En revanche, à moyen et long terme, son avenir est incertain. Il lui sera en effet difficile de résister face à la baisse des coûts de déploiement des énergies renouvelables et bas carbone. En ce sens, le nucléaire et l’hydrogène vert pourrait devenir de sérieux concurrent.